dimanche 29 janvier 2017

La Reine en jaune



Anders Fager - La Reine en jaune - Mirobole Editions







 Trois ans que l’on attendait une suite ou tout au moins une nouvelle compilation des productions horrifiques d’Anders Fager. Les furies de Borås publié par Mirobole Editions en 1974 consacraient le talent d’un Lovecraft suédois qui s’inspirant des créations morbides du Maître de Providence, rédigeait des histoires déjantées peuplées de créatures anciennes peu recommandables.

La Reine en jaune, comme son prédécesseur, est un recueil de nouvelles alternant récits brefs dénommés « fragments » et d’autres plus longs. Certains forment un ensemble comme « Le chef d’oeuvre de Mademoiselle Witt » et « La Reine en Jaune ». Des personnages récurrents font aussi leur apparition de texte en texte sans qu’une intrigue véritablement consistante leur soit associée. Un procédé employé par Lovecraft à propos de monstres dont la seule évocation suscite la terreur.

C’est ainsi que l’on fait connaissance dans le « fragment 1 » avec la messagère de la Femme Boursouflée dont certaines relations disparues ont pris la précaution de faire incinérer et jeter dans l’acide leurs restes … « Le chef d’oeuvre de Mademoiselle Witt » raconte le dérapage  d’une star du porno placée sous les feux des caméras et des réseaux sociaux et dont les prestations « artistiques » en perpétuelles surenchères aboutissent à un acte de folie. Hormis l’épilogue, la nouvelle respire un ennui digne d'un Identification des schémas de plate mémoire. Dans la suite « La Reine en Jaune », My Witt internée en hôpital psychiatrique se transforme en une créature infernale et va régler quelques comptes.

C’est mieux mais le recueil décolle vraiment avec trois textes, « Cérémonies », « Quand la mort vient à Bodskär » et « Le voyage de Grand-mère ». Le premier est la chronique sociale déjantée et hilarante d’une maison de retraite. Pourquoi les pensionnaires du 4e étage (1) ne meurent ils jamais ? Il faut avouer que Le Nexus du docteur Erdmann de Nancy Kress fait pale figure face à ces petits vieux dont les déambulateurs suintant la merde suite à une ingestion de pruneaux font une haie d’honneur à une jeune beauté dénudée victime consentante d’une cérémonie secrète. Dans le second, un commando investit une île du comté de Bodskär. Des russes, parait il, y ont élu domicile. Mais laissons parler l’auteur : « C’est lors d’une nuit d’automne éclairée par un fin croissant de lune que la mort arriva à Bodskär. C’est une forme de mort inconnue qui s’y présenta. Elle était en acier et renvoyait des reflets métalliques.  Elle avait été pensée dans les moindres détails, avait fait l’effet de nombreux exercices.. La mort qui débarqua à Bodskär était humaine et moderne. […] Le problème était que la mort se trouvait déjà à Bodskär. Celle là était noire et terrifiante. Elle était séculaire, boursouflée et empestait le poisson pourri, la graisse de phoque et le bois vermoulu. ». «  Le voyage de Grand-mère » raconte l’interminable voyage de deux créatures venues trimballer leur aïeule. Transporter Mémé, qui au passage a bien connu Yog-Sothotth, n’est pas une sinécure : il faut une auge, un van et de quoi l’alimenter. Un récit bien barré quoiqu ‘un peu long.

Bref on en redemande. Second coup de cœur de l’année pour moi.

(1) Il s’agit bien du quatrième étage de la pension de Trossen et non du troisième comme indiqué sur le 4e de couverture.

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