dimanche 24 janvier 2016

Ciel brûlant de minuit



Robert Silverberg - Ciel brûlant de minuit - Ailleurs et Demain






Entre le 30 Novembre et le 11 Décembre 2015 la Conférence Des Nations Unies sur le changement climatique dite COP21 (1) a réuni à Paris près de deux cents pays avec pour objectif de tracer des voies d’action pour combattre le réchauffement climatique. Elle a fixé un objectif de limitation d’élévation des températures à 2 degrés celsius. Un slogan, répété à l’envie, résume ce programme : « Sauvez la planète ».

Le mot d’ordre n’est pas nouveau. Il avait interpellé Robert Silverberg, qui en avait signalé toute l’ambiguïté il y a une vingtaine d’année dans un roman intitulé Ciel brûlant de minuit. Il avait imaginé une humanité du XXIVe siècle au bord de l’apocalypse après avoir vainement tenté de combattre l’effet de serre.  Voici ce que dit un des protagonistes : « Permettez moi de ne pas partager cet avis, mademoiselle. […] Ce n’est pas la planète qui est en danger. […] L’atmosphère contient beaucoup moins d’oxygène et d’azote qu’au siècle dernier, mais beaucoup plus de dioxyde de carbone et d’hydrocarbures ; pourquoi la planète s’en soucierait elle ? A une époque il n’ y avait pas du tout d’oxygène dans l’atmosphère terrestre. La planète l’a fort bien supporté.[…] Depuis je ne sais combien de temps, cent ans, cent cinquante ans peut-être, on entend des gens débiter les mêmes sornettes sur la nécessité de sauver la planète. Elle s’en sortira très bien. C’est nous qui sommes en danger. »
Pékin ces jours ci

Il est presque minuit pour l’espèce humaine. Dans la Terre du futur, un air alourdi par des composants d’anhydride sulfureux, de gaz carbonique et de méthane contraint ses habitants à porter des masques filtrants. Une nouvelle géographie climatique s’installe. La sécheresse sévit dans les villes industrielles. Là où prospéraient jadis des forêts, émerge tant bien que mal une végétation rabougrie. Les japonais ont du quitter leur archipel. Leurs grandes entreprises comme Samurai ou  Kyocera-Merck dominent cependant le monde économique. Les israéliens ont eu plus de chance, leur pays est devenu un jardin d’Eden et ils se sont réconciliés avec leurs voisins arabes.  Comme toujours lorsque le bateau coule, deux types de comportements coexistent : ceux qui tentent de survivre au jour le jour comme Paul Carpenter météorologiste puis capitaine de bateau, ceux qui tentent de réagir comme Nick Rhodes responsable du projet fou « adapto » visant à remplacer les systèmes circulatoires et respiratoires humains, et quelques autres, réfugiés dans des stations orbitales.


Une fuite dans les étoiles parmi d'autres
Ciel brûlant de minuit présente les caractéristiques du Silverberg deuxième période : romans allongés, approfondissement des profils psychologiques des personnages. C’est le cas de Nick Rhodes et Paul Carpenter en opposition de phase. Le premier noie dans l’alcool ses scrupules à l’idée de transformer l’espèce humaine en une monstruosité extra-terrestre. Ses atermoiements affectent sa vie privée, une liaison amoureuse qu’il hésite à interrompre. En revanche, son ami Carpenter est l’homme des décisions rapides, trop rapides d’ailleurs. Tous se retrouvent piégés dans une situation sans issue, y compris Farkas et Enron, deux espions sans scrupules à la solde de Kyocera-Merck et d’Israël.

Sur le fond le roman aborde deux thèmes très classiques, les apocalypses climatiques dont Brunner est le maître absolu et la fuite dans les étoiles illustrée entre autres par Robert Heinlein dans Les enfants de Mathusalem. Au chapitre des curiosités on mentionnera le concept de vision aveugle inventé par Silverberg et repris ultérieurement par Peter Watts dans un récit éponyme.

Ciel brûlant de minuit est un bon roman excellemment construit, moins personnel que les chefs d’œuvre de la première période.



(1) 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11)




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