Robert Silverberg - Ciel brûlant de minuit - Ailleurs et Demain
Entre le 30 Novembre et le 11 Décembre 2015 la Conférence
Des Nations Unies sur le changement climatique dite COP21 (1) a
réuni à Paris près de deux cents pays avec pour objectif de tracer des voies
d’action pour combattre le réchauffement climatique. Elle a fixé un objectif de
limitation d’élévation des températures à 2 degrés celsius. Un slogan, répété à
l’envie, résume ce programme : « Sauvez la planète ».
Le mot d’ordre n’est pas nouveau. Il avait interpellé Robert
Silverberg, qui en avait signalé toute l’ambiguïté il y a une vingtaine d’année
dans un roman intitulé Ciel brûlant de minuit. Il avait imaginé une humanité du XXIVe siècle au bord de
l’apocalypse après avoir vainement tenté de combattre l’effet de serre. Voici ce que dit un des protagonistes :
« Permettez moi de ne pas partager cet avis, mademoiselle. […] Ce n’est
pas la planète qui est en danger. […] L’atmosphère contient beaucoup moins
d’oxygène et d’azote qu’au siècle dernier, mais beaucoup plus de dioxyde de
carbone et d’hydrocarbures ; pourquoi la planète s’en soucierait
elle ? A une époque il n’ y avait pas du tout d’oxygène dans l’atmosphère
terrestre. La planète l’a fort bien supporté.[…] Depuis je ne sais combien de
temps, cent ans, cent cinquante ans peut-être, on entend des gens débiter les
mêmes sornettes sur la nécessité de sauver la planète. Elle s’en sortira très
bien. C’est nous qui sommes en danger. »
Pékin ces jours ci |
Il est presque minuit pour l’espèce humaine. Dans la Terre
du futur, un air alourdi par des composants d’anhydride sulfureux, de gaz
carbonique et de méthane contraint ses habitants à porter des masques
filtrants. Une nouvelle géographie climatique s’installe. La sécheresse sévit
dans les villes industrielles. Là où prospéraient jadis des forêts, émerge tant
bien que mal une végétation rabougrie. Les japonais ont du quitter leur
archipel. Leurs grandes entreprises comme Samurai ou Kyocera-Merck dominent cependant le monde
économique. Les israéliens ont eu plus de chance, leur pays est devenu un
jardin d’Eden et ils se sont réconciliés avec leurs voisins arabes. Comme toujours lorsque le bateau coule, deux
types de comportements coexistent : ceux qui tentent de survivre au jour
le jour comme Paul Carpenter météorologiste puis capitaine de bateau, ceux qui
tentent de réagir comme Nick Rhodes responsable du projet fou « adapto »
visant à remplacer les systèmes circulatoires et respiratoires humains, et
quelques autres, réfugiés dans des stations orbitales.
Ciel brûlant de minuit
présente les caractéristiques du Silverberg deuxième période : romans
allongés, approfondissement des profils psychologiques des personnages. C’est
le cas de Nick Rhodes et Paul Carpenter en opposition de phase. Le premier noie
dans l’alcool ses scrupules à l’idée de transformer l’espèce humaine en
une monstruosité extra-terrestre. Ses atermoiements affectent sa vie privée, une liaison amoureuse qu’il
hésite à interrompre. En revanche, son ami Carpenter est l’homme des décisions
rapides, trop rapides d’ailleurs. Tous se retrouvent piégés dans une situation
sans issue, y compris Farkas et Enron, deux espions sans scrupules à la solde
de Kyocera-Merck et d’Israël.
Sur le fond le roman aborde deux thèmes très classiques, les
apocalypses climatiques dont Brunner est le maître absolu et la fuite dans les étoiles
illustrée entre autres par Robert Heinlein dans Les enfants de Mathusalem. Au chapitre des curiosités on mentionnera
le concept de vision aveugle inventé par
Silverberg et repris ultérieurement par Peter Watts dans un récit éponyme.
Ciel brûlant de minuit
est un bon roman excellemment construit, moins personnel que les chefs d’œuvre de
la première période.
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