Russell Banks - Un membre permanent de la famille - Babel
Première incursion dans l’œuvre de Russell Banks Un
membre permanent de la famille est un recueil de nouvelles relativement
récent traduit en 2015. Dans la continuité de ses productions maîtresses comme Continents
à la dérive, l’écrivain à tête d’Hemingway livre en douze récits le
portrait d’une Amérique au scalpel. Dans Les forbans de Cuba Dan Simmons
évoquait le regard impitoyable de l’auteur du Vieil Homme et la mer. Un
oeil que l’on retrouve chez Banks dans des récits de misfits, ou d’individus en
proie à des crises existentielles. Minorités, junkies, classe moyenne, aucune
catégorie sociale ne lui échappe. Dans ses textes sourd une tension sous
jacente qui finit par exploser au final.
C’est le cas de « Ancien Marine », histoire
d’un ex soldat qui après avoir élevé sa famille et leur avoir assuré un avenir
décent se retrouve en marge de la société après de mauvaises affaires. « Un
membre permanent de la famille » raconte, sur un mode anecdotique, un
divorce : les péripéties juridiques, les accommodements financiers,
l’installation du père et narrateur dans un nouveau pavillon proche de
l’ancienne demeure familiale occupée par son ex femme, les va et vient des
filles entre les parents. La clef de voûte du récit - et son élément émotionnel
- repose sur une chienne qui n’accepte pas la situation et s’efforce à sa
manière de maintenir les choses en l’état. « Fête de Noël »
traite du même thème. Sheila et Harold, couple sans enfant, se séparent. Sheila
se remarie avec Bud un copain entrepreneur. Harold simple ouvrier se réfugie
dans son mobile home et ses souvenirs. Un jour son ex l’invite aux fêtes de
Noël dans sa superbe demeure. Dans cette histoire d’un homme qui contemple avec
souffrance le bonheur de son ancienne femme, Banks ouvre un peu plus le robinet
émotionnel. Même chose pour « Transplantation » où avec peu
d’éléments narratifs et une économie de moyens héritée du grand Ernest, l’auteur
décrit la rencontre entre un transplanté et la veuve du donneur. « Oiseaux
des neiges » conte le veuvage d’une femme de la middle classe aisée
originaire du Nord de l’état de New York. Prenant avec son mari ses quartiers
d’hiver à Miami, ce dernier décède brutalement. Elle invite sa meilleure amie
pour l’aider à surmonter l’épreuve et s’acquitter des formalités d’usage. C’est
un des deux longs textes du recueil, tout en subtilité, qui voit une femme
découvrir sa liberté à la faveur de la mort de son vieux compagnon.
Les nouvelles suivantes quittent l’atmosphère grise des
ruptures existentielles pour aborder la sphère situationnelle. On passera sur
« Big Dog » récit d’un artiste qui au cours d’une fête
organisée à l’occasion de la remise d’un prix, voit son talent contesté par un
proche, pour dévorer « Blue ». Partant d’un fait divers, une jeune
femme noire sur laquelle se referme un piège, Russel passe au vitriol
l’Amérique contemporaine, dézinguant les médias, la ghettoïsation des
minorités, les flics. La descente aux enfers se poursuit avec « Le perroquet
invisible » récit d’un simple d’esprit qui se met en tête d’aider une
junkie. Pas vraiment probant. Dans « Les Outer Banks » un
couple âgé parcourant l’Amérique dans leur mobile home, enterre leur chienne
sur les bords de l’Atlantique. Fuir la vieillesse … une road story perdue
d’avance. Tel est le leitmotiv de cette short story sensible et épatante.
Les récits de rencontre ne manquent pas. Parfois
quelqu’un dévoile votre véritable moi : « Perdu, trouvé » retrace
les retrouvailles d’un homme et d’une femme dans un séminaire ou un congrès
d’entreprise. Une évocation de la solitude. Les aéroports sont des lieux étranges
où l’on perd parfois temporairement le fil des choses. On se souvient des
films Décalage horaire ou Lost in translation. Dans « A
la recherche de Véronica », un passager en transit entame une
conversation avec une mythomane. C’est connu, les barmen en voient passer des
vertes et pas murs. « La porte verte » met aux prises l’un
deux avec un client éméché à la recherche d’exotisme sexuel. Une nouvelle un
peu convenue.
Que retenir ? Entre tous les récits « Blue »
tient le haut du panier. « Ancien Marine », « Un membre permanent
de la famille », « Fête de Noël », « Transplantation », »
Oiseaux de neige », « Les Outer Banks » sont de
très bons textes. « Perdu, trouvé » et « A la
recherche de Véronica » m’ont semblé plus impersonnels mais tiennent
la route. J’ai moins apprécié « La porte verte », « Le
Perroquet invisible » et surtout « Big Dog ».
Et Russell Banks me direz vous ? Pas de doute c’est un fort
écrivain, si on se réfère à sa capacité à porter un regard juste sur les êtres
et les situations.
3 commentaires:
"Perdu,trouvé" sur la solitude dans le couple on peut rajouter le film"in the air" avec Clooney .
Quant à "lost in translation"j'avais pas vraiment été captivé.
Oui mais là tu commences par la fin de son oeuvre, ses romans sont autrement plus captivants, envoûtants, à part un ou deux un peu moins forts (la réserve) tous sont âpres et pas loin de l'inoubliable.
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