mercredi 6 septembre 2017

Nouvellistes américains (1)


Russell Banks - Un membre permanent de la famille - Babel









Première incursion dans l’œuvre de Russell Banks Un membre permanent de la famille est un recueil de nouvelles relativement récent traduit en 2015. Dans la continuité de ses productions maîtresses comme Continents à la dérive, l’écrivain à tête d’Hemingway livre en douze récits le portrait d’une Amérique au scalpel. Dans Les forbans de Cuba Dan Simmons évoquait le regard impitoyable de l’auteur du Vieil Homme et la mer. Un oeil que l’on retrouve chez Banks dans des récits de misfits, ou d’individus en proie à des crises existentielles. Minorités, junkies, classe moyenne, aucune catégorie sociale ne lui échappe. Dans ses textes sourd une tension sous jacente qui finit par exploser au final.


C’est le cas de « Ancien Marine », histoire d’un ex soldat qui après avoir élevé sa famille et leur avoir assuré un avenir décent se retrouve en marge de la société après de mauvaises affaires. « Un membre permanent de la famille » raconte, sur un mode anecdotique, un divorce : les péripéties juridiques, les accommodements financiers, l’installation du père et narrateur dans un nouveau pavillon proche de l’ancienne demeure familiale occupée par son ex femme, les va et vient des filles entre les parents. La clef de voûte du récit - et son élément émotionnel - repose sur une chienne qui n’accepte pas la situation et s’efforce à sa manière de maintenir les choses en l’état. « Fête de Noël » traite du même thème. Sheila et Harold, couple sans enfant, se séparent. Sheila se remarie avec Bud un copain entrepreneur. Harold simple ouvrier se réfugie dans son mobile home et ses souvenirs. Un jour son ex l’invite aux fêtes de Noël dans sa superbe demeure. Dans cette histoire d’un homme qui contemple avec souffrance le bonheur de son ancienne femme, Banks ouvre un peu plus le robinet émotionnel. Même chose pour « Transplantation » où avec peu d’éléments narratifs et une économie de moyens héritée du grand Ernest, l’auteur décrit la rencontre entre un transplanté et la veuve du donneur. « Oiseaux des neiges » conte le veuvage d’une femme de la middle classe aisée originaire du Nord de l’état de New York. Prenant avec son mari ses quartiers d’hiver à Miami, ce dernier décède brutalement. Elle invite sa meilleure amie pour l’aider à surmonter l’épreuve et s’acquitter des formalités d’usage. C’est un des deux longs textes du recueil, tout en subtilité, qui voit une femme découvrir sa liberté à la faveur de la mort de son vieux compagnon.


Les nouvelles suivantes quittent l’atmosphère grise des ruptures existentielles pour aborder la sphère situationnelle. On passera sur « Big Dog » récit d’un artiste qui au cours d’une fête organisée à l’occasion de la remise d’un prix, voit son talent contesté par un proche, pour dévorer « Blue ». Partant d’un fait divers, une jeune femme noire sur laquelle se referme un piège, Russel passe au vitriol l’Amérique contemporaine, dézinguant les médias, la ghettoïsation des minorités, les flics. La descente aux enfers se poursuit avec « Le perroquet invisible » récit d’un simple d’esprit qui se met en tête d’aider une junkie. Pas vraiment probant.  Dans « Les Outer Banks » un couple âgé parcourant l’Amérique dans leur mobile home, enterre leur chienne sur les bords de l’Atlantique. Fuir la vieillesse … une road story perdue d’avance. Tel est le leitmotiv de cette short story sensible et épatante.


Les récits de rencontre ne manquent pas. Parfois quelqu’un dévoile votre véritable moi : « Perdu, trouvé » retrace les retrouvailles d’un homme et d’une femme dans un séminaire ou un congrès d’entreprise. Une évocation de la solitude. Les aéroports sont des lieux étranges où l’on perd parfois temporairement le fil des choses. On se souvient des films Décalage horaire ou Lost in translation. Dans « A la recherche de Véronica », un passager en transit entame une conversation avec une mythomane. C’est connu, les barmen en voient passer des vertes et pas murs. « La porte verte » met aux prises l’un deux avec un client éméché à la recherche d’exotisme sexuel. Une nouvelle un peu convenue.


Que retenir ? Entre tous les récits « Blue » tient le haut du panier. « Ancien Marine », « Un membre permanent de la famille », « Fête de Noël », « Transplantation », » Oiseaux de neige », « Les Outer Banks » sont de très bons textes. « Perdu, trouvé » et « A la recherche de Véronica » m’ont semblé plus impersonnels mais tiennent la route. J’ai moins apprécié « La porte verte », « Le Perroquet invisible » et surtout  « Big Dog ».


Et Russell Banks me direz vous ? Pas de doute c’est un fort écrivain, si on se réfère à sa capacité à porter un regard juste sur les êtres et les situations.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

"Perdu,trouvé" sur la solitude dans le couple on peut rajouter le film"in the air" avec Clooney .

Anonyme a dit…

Quant à "lost in translation"j'avais pas vraiment été captivé.

John Warsen a dit…

Oui mais là tu commences par la fin de son oeuvre, ses romans sont autrement plus captivants, envoûtants, à part un ou deux un peu moins forts (la réserve) tous sont âpres et pas loin de l'inoubliable.