Javier
Negrete - Alexandre le Grand et les aigles de Rome - L’Atalante
Poche
Écrivain et enseignant espagnol, essentiellement traduit et
publié en France chez L’Atalante, Javier Negrete partage son oeuvre entre
heroic fantasy et romans historiques. La publication dans nos contrées d’Alexandre
le Grand et les aigles de Rome en 2009 fit sensation dans le fandom. En effet sous les
oripeaux de l’uchronie s’y révélait un récit fortement documenté en particulier
dans le domaine de l’histoire militaire. Negrete, rappelons le, a enseigné le
grec. A l’intérêt du pitch se joignait une interrogation. L’écrivain avait
auparavant abordé le sujet dans un autre récit, Le mythe d’Er. Comment
allait il renouveler le thème ?
Et si Alexandre le Grand n’était pas mort à Babylone en 323
avant JC ? Borges aborde brièvement le sujet en suggérant que le Macédonien
aurait incorporé incognito sa propre armée comme simple soldat. Histoire
d’entretenir la légende ? Dans le récit qui nous occupe, un médecin envoyé
par l’oracle de Delphes sauve miraculeusement le Roi, victime d’une tentative
d’ empoisonnement fomentée par Roxane, sa première épouse et Perdiccas chef de
la cavalerie des Compagnons. Alexandre annonce à ses généraux sa décision
d’investir l’Occident et Carthage. C’est l’intention ultime que lui prête
d’ailleurs certains historiens.
Pendant que la flotte sous les ordres de Perdiccas et
Néarque s’aventure dans le Golf Persique en vue de conquérir l’Arabie, le
monarque fonce en Macédoine punir les faux coupables responsables de son
assassinat avorté. Il établit ensuite une base à Poseidonia en Italie, non loin du
Vésuve. C’est à quelques encablures de là en Campanie que quelques éléments de
ses troupes se font massacrer par des légions romaines commandées par un
certain tribun du nom de Jules César. Le personnage est évidemment fictif, mais
ses compétences rappellent furieusement celles du vainqueur de la Guerre des
Gaules.
Dés lors l’affrontement s’avère inévitable, mais il faudra
tout de même patienter six cent pages pour en voir l’issue. D’ici là les
intrigues de palais se succèdent et c’est l’occasion pour Negrete de
ressusciter les univers soldatesques macédoniens et romains. Défile également
toute une galerie de personnages pittoresques, fictifs ou réels (1) dont la
maléfique et somptueuse Roxane-aux-mamelons-hérissés-comme-des-sarisses (à
l’instar jadis de Silverberg, l’écrivain espagnol ne dédaigne pas les romans
érotiques), Perdiccas, soldat impulsif et courageux, Cratère, le plus fameux
des généraux d’Alexandre avec Parménion, Méléagre chef irascible. Réussis
également les portraits de Démétrios et Euctémon, deux frères athéniens ruinés.
Le second, mathématicien de génie, absorbé dans l’étude des cercles qu’il trace
dans le sable évoque Archimède.
Plus mystérieux et à mon avis trop esquissé le personnage de Nestor, messager du destin, voix narrative quasi hors texte, aux compétences médicales hors normes, déçoit et attise paradoxalement la curiosité. La référence en la matière reste Zénon d’Elée, héros de L’œuvre au noir. Marguerite Yourcenar avait dépeint un médecin aux prises avec les ténèbres de l’intolérance et des superstitions moyenâgeuses, conscient de l’étendue de son ignorance. Question d’interprétation peut être … Quoiqu’il en soit Alexandre le Grand et les aigles de Rome, légèrement coloré d’uchronie, est un roman historique qui impose le respect.
(1) Negrete détaille la liste de ses personnages en fin de
volume.
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