A Icamole, petite
localité du Nord du Mexique, Remigio, un villageois, découvre au fond de son
puit le cadavre d’une fillette. De peur d’être accusé, il enterre le corps sous
un avocatier. Son père, bibliothécaire, entreprend une sorte d’enquête, aidé en
cela par ses livres.
David Toscana est un
écrivain mexicain, ingénieur de formation né en 1961. Ses ouvrages dit on
rompent avec le réalisme magique sud-américain, encore que El ùltimo lector débute
par quelques lignes dignes de
Marquez :
« Le sceau
descend dans le puit jusqu’à buter contre une surface plus résistante que l’eau
et il émet un son auquel Remigio s’attendait. Cela va faire un an que la pluie
ne s’est pas mise à tomber, et depuis juillet, les gens se réunissent chaque
après-midi dans la chapelle Saint Gabrielle Archange, mais le mois de septembre
est déjà bien avancé et pas une goutte d’eau, pas un même un crachat n’est
tombé du ciel. De temps en temps le jour dépose de la rosée sur les feuilles et
les fenêtres, et pourtant c’est à peine si les plus matinaux l’aperçoivent, car
dès que le soleil se lève sur Icamole, il emporte toute humidité. Un jour, des
nuages chargés d’eau étant apparus à l’est, quelques villageois ont grimpé sur
la première colline venue pour les exciter de là-haut. Nous sommes ici, venez,
nous avons soif, et plusieurs femmes ont ouvert leur parapluie pour montrer
leur foi inébranlable, une foi qui s’est révélée incapable de déplacer des
montagnes, en tout cas pas le mont Fraile, à vingt kilomètres de là, car, à la
déception générale, les nuages ont fini par se briser contre ses cimes et ses
pentes, pour y déverser leur précieux fardeau. Ce n’était ni la première, ni la
dernière fois que le mont Fraile leur volait leur espoir, et c’est pourquoi
Villa de Garcia, la bourgade voisine, est toujours verte, tandis qu’à Icamole
les canaux d’irrigation ne sont que des chemins creux à rat ».
Mais cette magistrale
entrée en matière n’est qu’une illusion. Passé la première moitié du récit, le
lecteur emprunte un chemin éloigné de l’intrigue initiale, la résolution d’un
crime, au profit d’une incursion dans l’esprit d’un homme passionné de
littérature qui assujettit le monde à
l’univers romanesque. En cela David Toscana est bien fils de Cervantès et de
Borgès. Icamole, trou perdu du Mexique figé comme ses habitants dans un temps
immémorial, vit au rythme des forces élémentaires, la sécheresse, les rares
pluies, le sacrifice d’un bouc ou l’assassinat d’une fillette. La vie, la vie
véritable, les passions, appartiennent aux livres de Lucio. Sur proposition
d’un représentant du gouverneur de la région, ce dernier a abandonné ses
chèvres et transformé dans un premier temps le rez de chaussée de sa masure en
bibliothèque dont il devient assez vite le seul visiteur. Lucio, lecteur avisé
et impitoyable, jette aux cafards les mauvais ouvrages. Lui donne t-on une
Bible qu’il advient ceci : « Au commencement Dieu créa les cieux
et la Terre. Il nie de la tête. Pourquoi préciser que le commencement est le
commencement. Il raye les deux premiers mots et lit à voix haute : Dieu
créa les cieux et la terre. Beaucoup mieux se dit-il. »
Dans les non-dits du
roman surgit la figure d’Herlinda, femme de Lucio tuée par un scorpion, clef de
voûte de la fuite de son mari hors du réel. Elle rejoint dans sa disparition l’enfant,
et Melquisidec le porteur d’eau, tous personnages sans voix et presque sans
existence auxquels la mort apporte un peu de relief et la littérature un peu de
signification. Au commencement était le Verbe, et à la fin aussi.
2 commentaires:
Bonne pioche! j'espere ne pas ètre le "dernier lecteur".
Désolé;pas aimé du tout.C'est comme se taper Sancho Panza!
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