Leo Perutz -
La Neige de saint Pierre - Zulma
« En 1932, Georg Friedrich Amberg, jeune
médecin engagé par le baron von Malchin, quitte Berlin pour le lointain village
de Morwede. Pour y soigner des paysans ? Pas si évident, car dans le
secret de son laboratoire, le baron vient de découvrir une drogue surpuissante :
la neige de saint Pierre. Dont il compte bien faire usage à grande échelle … »
En page 211 de son avant
dernier roman censuré par les nazis en 1933, Leo Perutz glissait ceci dans
la bouche du jeune praticien: «« Monsieur
le Curé, aidez moi ! Quelle est la foi de notre époque ? » Il ne
répondit pas » ». Le vénérable d’ Ormesson reprenant cette interrogation
à son compte, évoquait un jour au micro d’une radio les esprits d’alors,
cisaillés « entre Hitler et Staline »
Le prêtre du récit tient des propos encore plus explicites en anticipant la
venue d’un Moloch engendré par les travaux du baron Von Malchin. Il se trompait
seulement de couleur dirons nous aujourd’hui.
La Neige de saint Pierre raconte l’histoire d’un aristocrate prêt à tout
pour rétablir le Saint Empire Germanique. Il est aidé dans son projet par
une ancienne condisciple d’Amberg qui tombe amoureux d’elle. Amberg, quant à lui, subodorant le soufre de l'entreprise, hésite à appliquer les taches que lui confie son employeur. Cantonné à un rôle d’observateur, il intègre malgré tout l'entourage du baron et ses personnages énigmatiques
et pittoresques : Praxatine, un émigré
russe aussi bavard et omniprésent qu’inutile, Frederico un adolescent
inquiétant.
Fidèle à ses habitudes
Perutz distille une angoisse qui monte au fur et mesure que le narrateur pénètre plus
avant les projets de son hôte. Maître des sentiers qui bifurquent, l’écrivain sème
habilement le doute dans l’esprit du lecteur. Dans son lit d’hôpital, au début de
l’intrigue, le médecin s’interroge. Est il seulement victime d’un accident de
circulation, comme le prétendent les soignants, a-t-il imaginé l’invraisemblable
imbroglio d’événements conté dans l’ouvrage ?
Une fois n’est pas
coutume, Leo Perutz dénoue le suspens par un formidable éclat de rire. Tout s’éclaire
et tout s’assombrit à la fois. Dans ce roman plus linéaire que les précédents, son
meilleur après Le cavalier suédois, l’auteur
rejoint Zweig dans la légion des témoins lucides d’une période abjecte. La Neige de saint Pierre dénonce les
manipulations de pouvoir et les apprentis sorciers de l’Histoire, vieille
leçon marxiste que l’écrivain ressort de son chapeau dans le final tout en ironie
d’un récit servi comme d’habitude par une écriture de premier ordre.
4 commentaires:
Je recommande chaudement"Le miracle du manguier",si t'as l'opportunité
Merci, je le glisse dans ma liste à venir !
Relu avec plaisir. Leo Perutz ne faisait-il pas du roman d'anticipation avant l'heure?
Je dirais Zweig ou Fritz Lang pour le message, mais SF sur la forme, pourquoi pas ?
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