Laurent Kloetzer - Vostok - Denoël Lunes d’encre
Après avoir entraîné ses lecteurs sur les chemins
spéculatifs de Cleer et d’Anamnèse de Lady Star dont l’ écriture brillante à deux
mains fut plusieurs fois récompensée, Laurent Kloetzer, cette fois en solo, leur
propose une excursion au fond de l’Antarctique. Rien de plus passionnant que la
relation de ces expéditions an bout du monde, purs témoignages à l’image de Seul
de l’amiral Byrd, ou fictions hallucinantes comme Les aventures du
Capitaine Hatteras de Jules Verne. Là-bas, une nature hostile brise l’acier
comme la volonté. Plus terribles que le froid, l’homme y livre des combats
intérieurs insensés. La neige efface les détails, écrit l’auteur. De fait on
dirait que l’univers s’emploie inlassablement à gommer la verrue humaine, au
profit d’une éternité en forme d’horizon blanc sans limite ou comme dans Vostok,
symbolisée par un lac souterrain immémorial.
Le roman de Laurent Kloetzer est tiré d’un récit du
glaciologue Jean-Robert Petit. Vostok, en effet, existe. Il s’agit d’une base
russe fondée dans les années 50, située au pôle sud magnétique. L’écrivain a
ajouté des protagonistes imaginaires dont le journal d’expédition fait écho aux
aventures contemporaines des héros. L’ imprégnation glaciaire n’en est que plus
forte dans l’esprit du lecteur et contraste avec le récit rocambolesque de
membres d’un cartel chilien venus dans l’Antarctique récupérer un mot de passe
verrouillant l’accès à une banque de données d’un gang adverse.
Trois narrations structurent Vostok, comme autant de
paliers d’un escalier descendant dans l’enfer neigeux. La première a pour cadre
un Valparaiso légèrement futuriste où le gang des Andins, maître de la météo,
s’oppose au Cartel et à ses dirigeants, Juan Albornoz et sa sœur Léonora. Il y
a un peu de Scarface dans la
description des liens privilégiés unissant ces deux-là. D’ autres personnages
s’invitent lors de l’épopée antarctique : Veronika Lipenkova, l’auteure fictive et décédée du journal de
l’expédition soviétique des années 50, Vassili, rescapé de l’époque
héroïque et spécialiste des carottages glaciaires, embarqué de force par les
chiliens, et enfin un ghost confident
de Leonora.
Les fantômes, comme la folie,
s’invitent dans le derniers tiers du roman, où comme attendu un hiver impitoyable
s’amuse à casser hommes et projets et soumet les protagonistes au jeu ultime de
la survie. Tout cela, action, personnages, se tient et aboutit une fois de plus
à une réussite romanesque.
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