George
R. R. Martin - Les rois des sables - J’ai Lu
Les rois des sables clôt ce rapide tour d’horizon consacré aux
recueils de nouvelles de George R. R. Martin. C’est d’ailleurs un des plus
cités, y compris par mes camarades du Cafard cosmique et de Bifrost. En effet
le niveau d’ensemble des fictions incite à penser que l’écrivain franchit là un
palier et devient un véritable conteur. Est-ce l’influence de Jack
Vance sensible sur les textes à connotation fantasy ? On retrouve
également une qualité notée dans Dragon de glace, un savoir-faire sans
complexe dans les différents genres de l’imaginaire. Cela nous vaut ici une
histoire d’horreur « Les rois des sables » digne de Matheson
(1).
Le volume débute par un
récit de science-fiction iconoclaste sur la religion, thème dans lequel s’était
illustré Arthur Clarke avec un texte choc « L’étoile ». « Par
la croix et le dragon » raconte la confrontation entre un inquisiteur,
représentant d’une Eglise lancée à la conquête des étoiles et un hérétique,
auteur d’un ouvrage glorifiant Judas (2). Au-delà du récit d’une perte de
conviction religieuse, Martin, par la voix de son personnage, rédige une
profession de foi de son métier d’écrivain, qui rappelle le mentir vrai
d’Aragon.
Au moins tout aussi bon « âprevères »
entraîne le lecteur dans un univers Arthurien. Dans un monde de froid et de
glace, une jeune femme tente de regagner Fort Carin, son village natal. La mort
de son compagnon et le manque de nourriture lui laissent peu de chance de
survie face aux assauts des vampires qui infestent la région. Attirée par une
lumière bleue, elle découvre un lieu magique. L’ambiance du récit évoque
« Dragon de glace ». Enchantement de l’écriture et de l’histoire, on
en viendrait à réclamer une suite …
C’est avec intérêt que
l’on pénètre ensuite « Dans la maison du ver ». L’intrigue,
sombre, se déroule dans le décor du Monde Aveugle de Daniel Galouye ou
celui du cycle du Nouveau printemps de Robert Silverberg. Alors que leur
soleil agonise, plusieurs peuples réfugiés sous la surface, tentent de survivre, tout en s’entredévorant. Suivant
une trame classique, le héros s’enfonce dans les profondeurs de la terre pour reconstituer l’histoire de son
peuplement et, dans une sorte de parcours initiatique, modifier son regard sur
les habitants. Il y a des moments de grâce, une fête vénitienne alors même qu’une
menace souterraine se précise. Et surtout un récit bien mené.
Je serai peu prolixe sur « Vif-amis » et « La dame des étoiles ». Ce
dernier texte très « Vancien » est remarquable par son économie, en
particulier la mise en contexte. On suit les déambulations de deux touristes
attaqués dans un quartier mal famé d’un astroport.
« La cité de pierre » et surtout « Les rois des sables » terminent en beauté l’ouvrage. Le
premier raconte une histoire d’astronaute cloué au sol. Martin avait exploité
ce thème avec « Diaporama » dans l’antho Une chanson pour Lya.
Mais il en fait ici un espèce de Carrefour des étoiles (ou de Pépé le Moko pour les
amateurs de cinéma français suranné). Le héros cherche un moyen de transport
à tout prix. Il est bloqué comme d’autres par des extra-terrestres bureaucrates
et survit en volant des objets à une espèce nyctalope. Races éteintes ou incompréhensibles,
cité antique et mystérieuse, on se prend à cette ambiance exotique et
aventureuse, même si le final peut paraitre avorté, quoique fascinant.
« Les rois des sables » surfe sur le thème de l’apprenti sorcier. Simon
Kress vit isolé dans un manoir loin de la ville. Il se distraie en se procurant
des animaux familiers qu’il maltraite ou néglige dans le meilleur des cas. Une vendeuse
mystérieuse lui propose des rois des sables, sortes d’insectes doués d’une
intelligence collective et d’humeur belliqueuse. L’affaire faite, elle remplit
de sable un terrarium et installe des « gueules » (l’équivalent de
reines) aux quatre coins . En quelques jours chacune édifie un château
avec l’effigie du proprio et constitue une armée. Bien évidemment Kress ne
respecte pas les consignes d’approvisionnement et la situation dégénère dans
les grandes largeurs. Le final est réjouissant. Comme l’est d’ailleurs l’ensemble
du recueil.
(1) Je cite Olivier, cf commentaires sur Chanson pour Lya .
(2) Pour la petite histoire on a découvert assez récemment
un texte apocryphe nommé L’évangile de Judas … mais ne mentionnant
évidemment aucun dragon.
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