Orson Scott Card - Espoir-du-Cerf - L’ Atalante
L’Atalante vient de rééditer un vieux roman d’ Orson Scott
Card paru jadis en Présence du futur, Espoir-du-Cerf. Bonne initiative.
En effet si cet auteur a connu un gros succès commercial et critique avec les
cycles Ender, Alvin le faiseur ou Abyss, bon nombre de ses
premiers lecteurs regrettent le génie créatif à l’œuvre dans les parutions
Denoël (a). Un ton particulier
émergeait, un univers à la fois cruel et beau se déployait sur fond de légende,
magnifié ici d’ailleurs par la traduction d’Emmanuel Jouanne. Bref on tenait un
écrivain du calibre de Le Guin. Hélas, son inspiration, comme d’autres s’est
diluée dans des suites romanesques et de nouveaux talents comme China Miéville retiennent
désormais l’attention.
Que raconte Espoir-du-Cerf ? Le Comte de
Traffing, inspiré par une prophétie, décide de renverser Nasilee roi de Burland
qui règne par la terreur sur son peuple. Il prend alors le nom de Palicrovol et
par compassion épargne Aniseth la fille de l’ancien monarque. Celle-ci décide
de punir le meurtrier de son père et les divinités qui ont soutenu son
entreprise. Les habitants vouent un culte à un Cerf mythique, emblème du
royaume mais aussi aux Douces Sœurs et à Dieu. Aniseth s’empare des livres de
magie de Sleeve un proche de Palicrovol, neutralise le roi et les dieux du Burland . Au bout de trois cent ans, Palicrovol toujours vivant selon la
volonté d’Aniseth mais exilé et endurant des souffrances quotidiennes, s’unit à
une paysanne. Un fils naît du nom d’Orem, instrument de la revanche du Dieu
Cerf, enchaîné mais toujours actif.
Très justement décrit comme un joyau noir, Espoir-du-Cerf
ressemble à un Contes et Légendes d’autrefois sur fond de fantasy. L’écriture
hiératique et envoûtante concourt à la beauté de l’œuvre. Un récitant dont on
découvrira l’identité en fin de roman déroule l’intrigue. Des éléments religieux
hétérogènes mêlant monothéisme et divinités païennes confèrent à l’ensemble une
touche « arthurienne ». Mais attention pas de batailles ici, hormis
quelques affrontements entre magiciens. En revanche les actes de cruauté
impliquant parfois des enfants ou des adolescents pullulent et le dénouement
final pourra heurter les sensibilités.
Le héros d’Espoir-du-Cerf n’est pas le roi
Palicrovol, que l’on retrouve à la conclusion du récit, mais Orem. Plutôt
anti-héros d’ailleurs, car les dieux ont doté ce fils bâtard du roi de pouvoirs
magiques passifs. Bien que guidé dans ses aventures par un dieu, aucune épreuve
aucune avanie ne lui sont épargnées. On retrouve ici un thème cher à Card et
présent dans le cycle d’Ender, l’instrumentalisation des enfants par les
adultes ou les divinités. Il atteint ici un paroxysme : la magie dans Espoir-du-Cerf
se déclenche et se transmet par le sang et tout est prêt alors pour le rituel
abrahamique. Cependant malgré un destin implacable le Petit Roi trace un chemin
personnel empli de compassion pour ses semblables. L’interrogation finale
lancée par le récitant à Palicrovol vaut alors pour l’Humanité entière.
Basculerons nous vers le Bien ou le Mal ?
Espoir-du-Cerf est un ouvrage de fantasy de haute
tenue.
(a) Espoir-du-Cerf, Les maîtres chanteurs, Sonate
sans accompagnement.
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