samedi 20 février 2016

Les débuts éblouissants d’Orson Scott Card (1)



Orson Scott Card - Espoir-du-Cerf - L’ Atalante






L’Atalante vient de rééditer un vieux roman d’ Orson Scott Card paru jadis en Présence du futur, Espoir-du-Cerf. Bonne initiative. En effet si cet auteur a connu un gros succès commercial et critique avec les cycles Ender, Alvin le faiseur ou Abyss, bon nombre de ses premiers lecteurs regrettent le génie créatif à l’œuvre dans les parutions Denoël (a).  Un ton particulier émergeait, un univers à la fois cruel et beau se déployait sur fond de légende, magnifié ici d’ailleurs par la traduction d’Emmanuel Jouanne. Bref on tenait un écrivain du calibre de Le Guin. Hélas, son inspiration, comme d’autres s’est diluée dans des suites romanesques et de nouveaux talents comme China Miéville retiennent désormais l’attention.

Que raconte Espoir-du-Cerf ? Le Comte de Traffing, inspiré par une prophétie, décide de renverser Nasilee roi de Burland qui règne par la terreur sur son peuple. Il prend alors le nom de Palicrovol et par compassion épargne Aniseth la fille de l’ancien monarque. Celle-ci décide de punir le meurtrier de son père et les divinités qui ont soutenu son entreprise. Les habitants vouent un culte à un Cerf mythique, emblème du royaume mais aussi aux Douces Sœurs et à Dieu. Aniseth s’empare des livres de magie de Sleeve un proche de Palicrovol, neutralise le roi et les dieux du Burland . Au bout de trois cent ans, Palicrovol toujours vivant selon la volonté d’Aniseth mais exilé et endurant des souffrances quotidiennes, s’unit à une paysanne. Un fils naît du nom d’Orem, instrument de la revanche du Dieu Cerf, enchaîné mais toujours actif.

Très justement décrit comme un joyau noir, Espoir-du-Cerf  ressemble à un Contes et Légendes d’autrefois sur fond de fantasy. L’écriture hiératique et envoûtante concourt à la beauté de l’œuvre. Un récitant dont on découvrira l’identité en fin de roman déroule l’intrigue. Des éléments religieux hétérogènes mêlant monothéisme et divinités païennes confèrent à l’ensemble une touche « arthurienne ». Mais attention pas de batailles ici, hormis quelques affrontements entre magiciens. En revanche les actes de cruauté impliquant parfois des enfants ou des adolescents pullulent et le dénouement final pourra heurter les sensibilités.

Le héros d’Espoir-du-Cerf n’est pas le roi Palicrovol, que l’on retrouve à la conclusion du récit, mais Orem. Plutôt anti-héros d’ailleurs, car les dieux ont doté ce fils bâtard du roi de pouvoirs magiques passifs. Bien que guidé dans ses aventures par un dieu, aucune épreuve aucune avanie ne lui sont épargnées. On retrouve ici un thème cher à Card et présent dans le cycle d’Ender, l’instrumentalisation des enfants par les adultes ou les divinités. Il atteint ici un paroxysme : la magie dans Espoir-du-Cerf  se déclenche et se transmet par le sang et tout est prêt alors pour le rituel abrahamique. Cependant malgré un destin implacable le Petit Roi trace un chemin personnel empli de compassion pour ses semblables. L’interrogation finale lancée par le récitant à Palicrovol vaut alors pour l’Humanité entière. Basculerons nous vers le Bien ou le Mal ?

Espoir-du-Cerf  est un ouvrage de fantasy de haute tenue.
 


(a) Espoir-du-Cerf, Les maîtres chanteurs, Sonate sans accompagnement.

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