samedi 5 septembre 2015

Dragon de glace



George R. R. Martin - Dragon de glace - ActuSF





A l’ombre du Trône de fer poussent  de nombreux et intéressants textes de George R.R. Martin. L’immense succès de ce cycle ne doit pas occulter une production romanesque de qualité. En témoigne Le chasseur et son ombre cosigné avec Dozois et Abraham, et chroniqué ici. Le recueil de nouvelles Dragon de glace publié en 2011 par ActuSF dans la collection Perles d’Epices est un autre exemple du talent de cet auteur. Les quatre récits sélectionnés, dont trois issues de la revue Bifrost et un inédit « Portrait de famille » datent des années 80. Ils permettent d’apprécier l’étendue du registre du romancier : de l’art du conteur propice aux textes de fantasy, à la maîtrise des structures narratives parfois complexes du domaine du fantastique et transgenre. Le Nébula attribué à « Portait de famille » le prouve sans équivoque.

Le volume débute avec l’histoire d’Adara, petite fille née au cœur de l’hiver d’un pays  imaginaire. Elle attend avec impatience le retour du froid et d’un dragon de glace. Elle est bien la seule. Son père, ses frères et sœurs travaillent aux champs à la belle saison. Son oncle, dragonnier, combat les ennemis du roi. Mais ceux-ci et leurs dragons de feu se rapprochent de jour en jour …
Il n’ y a pas presque pas de matériaux dans ce beau conte : une contrée inconnue, une guerre lointaine, et les cinq éléments, la terre où survivent difficilement les hommes, l’eau ou plutôt la glace, le feu des dragons, le souffle du dragon de glace, et le plus important, le savoir-faire de Martin, qui restitue avec grâce les sortilèges de l’enfance.

« Dans les contrées perdues » est un autre texte de fantasy. La Reine d’un lointain Royaume envoie son Paladin, son champion, quérir auprès de la  sorcière Algis la Grise, le secret de la transformation. Mais Algis la Grise a la réputation de rendrent des services qui se retournent contre leur demandeur. Si elle n’a pas la magie du « Dragon de glace » cette histoire de loup-garou présente les caractéristiques des meilleurs Zelazny, une intrigue prenante et des personnages forts.

Qui n’a pas dans son voisinage un personnage bizarre, ou un casse-pieds qui ne vous lâche pas ? C’est le sujet de « L’homme en forme de poire ». Jessie, illustratrice commerciale, emménage dans un nouvel appartement. Elle croise un voisin au physique un peu particulier qui lui propose avec insistance des biscuits au fromage peu ragoûtants et l’invite chez lui au sous-sol de l’immeuble. Ce qui n’était au départ qu’une curiosité se transforme peu à peu en obsession. Un procédé courant dans la littérature fantastique et un récit bien construit sur le thème de l’attirance-répulsion malgré un dénouement banal.

« Portrait de famille » met en scène un règlement de compte familial. Pour avoir privilégié la production de son oeuvre romanesque au détriment de ses proches, Richard Cantling doit affronter ses personnages, sa fille et son épouse disparue, au soir de sa vie. Les écrivains, on le sait, se nourrissent de la réalité pour restituer le réel. La description de ce comportement vampirique et les ravages qu’il provoque dans un récit en forme d’examen de conscience n’est pas nouvelle. L’intensité douloureuse des relations Père - Fille non plus (1). En tout cas Martin livre un texte fort.

Dragon de glace est un recueil superbement composé à se procurer sans coup férir.


(1) cf à ce sujet les Mémoires intimes de Georges Simenon et les passages relatifs à sa fille Marie-Jo

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