George
R. R. Martin - Dragon de glace - ActuSF
A l’ombre du Trône de fer poussent de nombreux et intéressants textes de George
R.R. Martin. L’immense succès de ce cycle ne doit pas occulter une production
romanesque de qualité. En témoigne Le chasseur et son ombre cosigné avec
Dozois et Abraham, et chroniqué ici. Le recueil de nouvelles Dragon de glace
publié en 2011 par ActuSF dans la collection Perles d’Epices est un autre
exemple du talent de cet auteur. Les quatre récits sélectionnés, dont trois
issues de la revue Bifrost et un inédit « Portrait de famille »
datent des années 80. Ils permettent d’apprécier l’étendue du registre du
romancier : de l’art du conteur propice aux textes de fantasy, à la maîtrise
des structures narratives parfois complexes du domaine du fantastique et
transgenre. Le Nébula attribué à « Portait de famille » le prouve
sans équivoque.
Le volume débute avec l’histoire d’Adara, petite fille née
au cœur de l’hiver d’un pays imaginaire.
Elle attend avec impatience le retour du froid et d’un dragon de glace. Elle
est bien la seule. Son père, ses frères et sœurs travaillent aux champs à la
belle saison. Son oncle, dragonnier, combat les ennemis du roi. Mais ceux-ci et
leurs dragons de feu se rapprochent de jour en jour …
Il n’ y a pas presque pas de matériaux dans ce beau conte :
une contrée inconnue, une guerre lointaine, et les cinq éléments, la terre où
survivent difficilement les hommes, l’eau ou plutôt la glace, le feu des
dragons, le souffle du dragon de glace, et le plus important, le savoir-faire
de Martin, qui restitue avec grâce les sortilèges de l’enfance.
« Dans les
contrées perdues » est un autre texte de fantasy. La Reine d’un
lointain Royaume envoie son Paladin, son champion, quérir auprès de la sorcière Algis la Grise, le secret de la
transformation. Mais Algis la Grise a la réputation de rendrent des services
qui se retournent contre leur demandeur. Si elle n’a pas la magie du « Dragon de glace » cette histoire
de loup-garou présente les caractéristiques des meilleurs Zelazny, une intrigue
prenante et des personnages forts.
Qui n’a pas dans son voisinage un personnage bizarre, ou un casse-pieds
qui ne vous lâche pas ? C’est le sujet de « L’homme en forme de poire ». Jessie, illustratrice
commerciale, emménage dans un nouvel appartement. Elle croise un voisin au physique
un peu particulier qui lui propose avec insistance des biscuits au fromage peu ragoûtants
et l’invite chez lui au sous-sol de l’immeuble. Ce qui n’était au départ qu’une
curiosité se transforme peu à peu en obsession. Un procédé courant dans la littérature
fantastique et un récit bien construit sur le thème de l’attirance-répulsion
malgré un dénouement banal.
« Portrait de
famille » met en scène un règlement de compte familial. Pour avoir
privilégié la production de son oeuvre romanesque au détriment de ses proches,
Richard Cantling doit affronter ses personnages, sa fille et son épouse disparue,
au soir de sa vie. Les écrivains, on le sait, se nourrissent de la réalité pour
restituer le réel. La description de ce comportement vampirique et les ravages
qu’il provoque dans un récit en forme d’examen de conscience n’est pas nouvelle.
L’intensité douloureuse des relations Père - Fille non plus (1). En tout cas Martin
livre un texte fort.
Dragon de glace
est un recueil superbement composé à se procurer sans coup férir.
(1) cf à ce sujet les Mémoires
intimes de Georges Simenon et les passages relatifs à sa fille Marie-Jo
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