Justine
Niogret - Mordred - Pocket
Abordant le rivage
arthurien, Justine Niogret s’attaque dans un court roman à la figure de Mordred. Il y aurait là
matière à un drame shakespearien. L’hérédité de ce chevalier, qu’on trouvera
sur le Net, mais qu’on ne détaillera pas ici pour ne pas déflorer l’intrigue,
n’est en effet pas commune.
C’est
un personnage alité, gravement blessé au cours d’un combat qui lui a
pratiquement brisé le dos, que l’auteur de Chien
du Heaume nous présente. Loin du monstre de la tradition, le lecteur
découvre un homme luttant contre la douleur, en proie au doute, hanté par son
enfance, incertain de son avenir, et transformé par le destin en machine de
guerre. De ses premières années il garde le souvenir d’une existence champêtre
au contact d’une mère aimante et mystérieuse qui l’a initié aux secrets des
plantes. Il bénéficie de la protection prestigieuse de son oncle, le roi
Arthur, un père de substitution.
Mordred renoue avec les ambiances
de fantasy médiévale dont l’écrivain s’est fait une spécialité. Pas une phrase
qui ne soit laissée en friche. Le texte se parcourt comme un sentier de
cueillette et de dégustation d’images et de métaphores : le sang crisse, le ciel est un ventre lourd
de pluie, on déguste les tisanes chaudes du souvenir, la douleur est un chien
assoupi etc. … L’écriture atteint un point d’orgue page 147, avec ce
monologue d’Arthur dont mon camarade Ubik cite quelques extraits. J’ai été
inutilement sévère avec leur formulation médiéviste. Car il faut bien le dire, l’assimilation d’un esprit humain à un gouffre où viennent s’abreuver des
monstres connus de nous seuls, n’a rien à envier à Hugo ou William Blake.
Gilles
Dumay qualifie justement l'ouvrage de poésie en prose. Or la poésie pure
s’oppose au narratif. On ne trouvera pas ici d’intrigue charpentée ponctuée de
scènes de batailles sur laquelle se
jettent habituellement les amateurs de fantasy, mais un roman bâti sur une quête identitaire, conçu comme un
rêve éveillé, un texte de fièvre. On espère toutefois que Justine Niogret
élargira ses prochains récits pour nous livrer - qui sait ? - un Espoir-du-Cerf ou un Terremer.
2 commentaires:
Jolie chronique !
De quoi donner envie de se replonger dans ce viscéral Mordred.
U
Merci !
Amitiés JL
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