Jean-Claude
Marguerite – Le Vaisseau ardent – Denoël Lunes d’encre - Folio SF
…j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres
monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que
celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au
contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des
géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, —
entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le Temps.
Marcel Proust
Jean-Claude Marguerite
est professeur de PAO à Paris III. Le
Vaisseau ardent constitue jusqu’à présent son unique production littéraire,
un projet étalé sur dix huit ans. Un roman dans lequel le temps long de
l’écriture rejoint le temps long des personnages, de leurs songes et celui plus
étendu des mythes qui leur survivent. C’est dans cet océan, ou nous évoluons
tels des géants, si l’on en croit les dernières pages de La Recherche,
que plonge le Vaisseau ardent.
Sur les bords de
l’Adriatique, quelque part en Yougoslavie, deux gamins rêvent de piraterie et
trompent leur ennui en chapardant des objets sur les bateaux de plaisance
amarrés au port.
Ils rencontrent un
Ivrogne, ancien universitaire parisien, qui leur conte en échange de fortes
rasades de rhum, l’histoire du Pirate Sans Nom. Ce qui fut au départ une blague
estudiantine d’un thésard collaborant à une histoire mondiale de la piraterie,
devient le projet d’une vie. L’un des enfants, Anton Petrack, prend à son
compte cette légende et parvenu à l’âge adulte part à la recherche de l’île Noire,
refuge supposé du pirate, et d’un mystérieux Vaisseau ardent. Bien des années
plus tard, il communique à son tour sa passion à Nathalie, fille de l’ancien
propriétaire de son voilier.
Ne cherchez pas ici un
récit à suspense, un Pirates des caraïbes – encore que Jean-Claude
Marguerite glisse dans la première partie de son livre quelques textes plus
traditionnels comme un scénario hollywoodien « La fiancée du
pirate », ou un « Gangs of Adriatic », récit d’une enfance
cruelle à la Dickens toute droite sortie de l’imagination de l’Ivrogne.
Nous avons affaire ici à
une écriture pélagique, où le lecteur est sans cesse rejeté des terres événementielles vers les eaux hauturières de
l’introspection et du souvenir. La découverte de l’île Noire par l’Ivrogne
tient autant de l’exploration minérale qu’à une immersion psychédélique. Fables
et faits historiques se succèdent, s’alimentent, l’enquête cède le pas au
conte, sur fond de réminiscences littéraires allant de Stevenson à Defoe. Le
tout servi par un style de haute volée.
Livre hors norme, y
compris par sa taille – 1500 pages dans l’édition Folio SF – Le Vaisseau
ardent s’apparente à ces ouvrages comme Le Quatuor de Jérusalem (1)
dans lesquels historiens et conteurs se disputent la vérité du monde et forment
d’immenses chaînes de savoirs et de mythes qui défient l’océan insondable du
Temps.
(1) lire la fiche de
lecture de Ubik sur le Vaisseau ardent sur le site du Cafard cosmique.
3 commentaires:
Je l'ai ! Et commencé en plus. Mais il faut vraiment que je trouve le temps de m'y plonger sérieusement. Ce que tu en dis là me donne fichtrement envie d'avancer ce moment.
A.C.
à lire de préférence dans les périodes estivales ...
il faut que j'ajoute un commentaire sur les Solariens
A +
eh bien merci pour ce billet en tout cas, pour ma part je viens de me procurer le livre
ça m'a fait penser à "la découverte du ciel" de Mulisch, dans l'aspect fresque d'une vie sur plus de 1000 pages :) J'ai eu envie de retenter l'expérience
Enregistrer un commentaire