Laurent Genefort - La croisière bleue - Albin Michel
Imaginaire
La croisière bleue de Laurent Genefort achève un mini-cycle romanesque consacré aux
« Temps ultramodernes », une uchronie dont le point de départ est la
découverte en 1895 d’un minerai, la cavorite dont le principe actif
le cavorium génère un rayonnement antigravitatif. Ce monde, dont nous
découvrons les péripéties au cours de la première moitié du XXe siècle, ne
diffère pas seulement du notre par sa science de la « lévitescence »
qui propulsera l’Humanité dans le système solaire, mais aussi par l’irruption
d’évènements historiques alternatifs comme une guerre franco-prussienne en 1912
remportée par nos compatriotes, une révolution russe menchevik en 1905 évinçant
les Bolchevik etc. Cette uchronie se colore fortement d’une esthétique
rétrofuturiste au cousinage du steampunk, du dieselpunk illustrée par ses
paquebots volants, sillonnant les cités comme les véhicules de Métropolis ou
les engins de Robida. Les papes et papesses de la radioactivité, Henri
Becquerel et Marie Curie deviennent les thuriféraires du cavorium, star d’un
paysage scientifique ou, rétrofiction oblige, la physique n’a pas aboli le
concept d’éther et Mars, Vénus ou Mercure ont vocation à devenir des habitats
respirables sinon fréquentables.
La croisière bleue n’est pas à proprement parler une suite des Temps ultramodernes.
Quatre récits, séparés par des coupures de presse de faits divers du monde de
la cavorite, poursuivent l’exploration de cet univers fantaisiste. Certains
évènements comme le krach boursier du précieux minerai sont connus depuis le
précédent opus. Les narrations se resserrent autour d’odyssées individuelles et
prennent dans les deux derniers chapitres un tour dramatique. Enfin l’Abrégé
de cavorologie, jusque-là édité séparément, prend place en fin de volume.
D’autres réminiscences sautent
aux yeux du lecteur dans ce volume. C’est le cas de « Le Facteur Pégase »
alias à peine déguisé du Facteur Cheval qui raconte l’édification d’un Temple
volant par un émule du célèbre postier d’Hauterives. Laurent Genefort a dû se
souvenir également d’Un Chalet dans les airs du même Robida voire du
chef-d’œuvre des studios Pixar, Là-haut. Cet astucieux chapitre
introductif est suivi d’une histoire d’espionnage, « La croisière bleue ».
L’Agénor, majestueux paquebot transcontinental volant tracté par une locomotive
(!) entreprend un voyage qui doit le mener de Rome aux confins de l’Asie. Au
début du trajet un vieux diplomate anglais est assassiné. Gaspard, agent
français tente d’identifier les assassins et surtout de prévenir une attaque du
navire. La tache s’avère difficile en raison de la multitude des mobiles,
fractions politiques, tensions sur les gisements de cavorite. « Cinquante hectares sur Mars » monte
en puissance. Un humble jeune homme gagne à la loterie une parcelle de terre
sur Mars. Ses échanges épistolaires avec sa famille demeurée sur la planète
natale racontent ses difficultés d’acclimatation sur un sol pauvre parsemé de
mousses et de lichens, parcouru par des bestioles peu ragoutantes et régulièrement
inondé. Pour tenter de comprendre ces phénomènes de montée des eaux, il part en
expédition en compagnie d’un homme frustre. « Cinquante hectares sur Mars »
est vraiment un beau récit, l’itinéraire spirituel d’un être attaché à la
compréhension d’une civilisation disparue et de ses survivants colonisés par
les humains. A lire et à relire. Comme le titre l’indique « Le Sisyphe
cosmique » revisite un mythe célèbre. L’employé d’une compagnie pétrolière
entreprend d’utiliser son savoir-faire pour extraire de la cavorite sur
Mercure. Il trouve un commanditaire hélas non dénué d’arrières pensées. Ce texte
et le précédent émergent du recueil. Enfin « A la poursuite de l’anticavorium »,
plutôt apocalyptique témoigne de la volonté de l’auteur d’en finir avec son
cycle. Dommage. J’ai vraiment passé un bon moment de lecture, rehaussé par l'écriture élégante de Laurent Genefort.
Difficile, avec cette Cavorite, de ne pas penser au Wells des »Premiers Hommes dans la Lune », ou le meme matériau rend possible le voyage…. MC
RépondreSupprimerMC,
RépondreSupprimersi vous aviez ouvert le premier lien, vous n'écririez pas cette remarque !
Donc, retour à "La croisière bleue".
Éprouvant quelques difficultés à entrer dans cet univers, je saisis l'image. Splendide couverture du livre trouvant la clé de son mystère dans le roman dont un éclat se trouve à la fin du billet : "L'Agénor, majestueux paquebot transcontinental volant tracté par une locomotive (!)"
Plus loin, Soleil vert évoque pour ce roman, "La croisière bleue", un jeune héros qui a gagné à la loterie "une parcelle de terre sur Mars. Il semble s'y rendre et découvre un sol pauvre parsemé de mousses et de lichens et c'est le début de la nouvelle "Cinquante hectares sur Mars". "Un beau récit spirituel" pour ce Sisyphe cosmique...
Donc un paquebot volant.... je songe au vaisseau fantôme de l’opéra de Wagner, un bâtiment hollandais condamné à errer sur les mers jusqu'à la fin des siècles... et à sa représentation magnifique, en pleine tempête, par George Grie, un artiste de l'art numérique surréaliste. Même imaginaire que Magritte et Salvador Dali. Un réalisme fantastique. Un monde magique...
Quel univers onirique servi magistralement par Soleil vert !
"Ô mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cœurs que tu connais sont emplis de rayons !(...)
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau !"
Charles Baudelaire - "Le voyage"
Je commence la lecture de "La croisière bleue". Envoûtant...
RépondreSupprimer"Soudain, elle le vit. Le temple de Pégase flottait, en léger surplomb."
RépondreSupprimerNe dirait-on pas un tableau de Magritte où des objets très lourds des pierres, des rochers, flottent dans un ciel très bleu comme des nuages ?
Déjà, page 28, un grand rêve emporte le lecteur dans un livre d'images....
Ah, voilà, ce n'était qu'un préambule, page 35, La croisière bleue commence... par un cadavre élégant, celui d'un authentique lord irlandais, Cuninghame. Notons que dans la poche de son veston, on trouva une montre à gousset réglée à l'heure de Greenwich....
RépondreSupprimerMais je ne comprends pas sur quoi repose le paquebot : terre ou eau ? La locomotive est sur des rails et crache de la fumée. Où est-elle par rapport au bateau ? Elle ne peut être sur l'eau... Et les rails ?
RépondreSupprimerQuelle curieuse base pour ce vaisseau hybride...
Le paquebot vole, grace à des plaques de cavorite. Il est tracté par une locomotive traditionnelle.
RépondreSupprimer… qui repose sur des rails.
RépondreSupprimerWGG, critiqué sur un blog voisin était un être particulier, un personnage impressionnant. Une grande finesse littéraire, une aisance à traduire l'allemand surtout la poésie. Un personnage qu'aucune frontière du réel ne pouvait retenir. Il se métamorphosait au moindre obstacle. La critique de ses dires l'entraînait dans une grande violence verbale ou du mépris puis il redevenait doux comme un agneau si une musique touchait son coeur écartelé entre deux identités. Le lire me manque beaucoup...
RépondreSupprimerMerci, Rose pour cette mémoire de son blog et de la femme aimée jusqu'à cette trace dans la neige.
SupprimerMerci, Soleil vert.
RépondreSupprimerDonc il vole comme dans l'opéra de Wagner.... comme le temple de Pégase...
L'air remplace donc et la terre et les flots.
Un peu comme pour un astronaute... l'air devient un unique élément.
Pourtant notre vie est faite de pesanteur, de la joie de marcher, de creuser, de planter, de semer, des arbres, des plantes, des fleurs et des fruits.
Et toutes les bêtes à toison douce, au museau mouillé aux griffes et crocs redoutables.
Et puis l'eau... où nous avons mystérieusement pris vie.
L'air ? C'est tellement invisible... Comment dessiner le vent si ce n'est pas son action douce ou terrible ? Si ce n'est notre besoin de respirer.
Les oiseaux ont de la chance qui souvent connaissent ces trois éléments.
Mais je retourne à ce roman insolite.
L'histoire du XXe siècle est très présente dans ce roman. Beaucoup d'allusions au fascisme, aux menaces de guerres qui peuvent détruire la terre, la vie.
RépondreSupprimerMais même dans ce paquebot on meurt... Je suppose que dans le nombre important de passagers se glissent des criminels.
Dans la cabine de luxe qui hébergeait lord Cunningham il y avait une malle pleine de livres, et quels livres ! "Balzac et Dumas côtoyaient des livres de Banks, de Manning et de Joyce"....
Qui est le meurtrier ? Pourquoi a-t-il tué ? "L'Agénor abritait dix-sept cents passagers, en plus de plusieurs centaines de membres d'équipage."
RépondreSupprimerQui est le méchant ?
"Comme ce serait confortable de vivre dans un monde où il y a un méchant bien identifié, qu'il serait possible de tuer sans se poser la moindre question morale.
Les feuilletons populaires regorgeaient de méchants diaboliques - millionnaires sans âme, savants fous, renégats apatrides ou malfrats à la solde des Prussiens."
Autant chercher une aiguille dans une botte de foin !
Ah mais il se pose de temps à autre !
RépondreSupprimerPage 54 :
"L'arrivée se fit ressentir par des fluctuations de pesanteur lorsque le paquebot oriental ses volets plombés pour perdre de la hauteur. Il accompagnait les changements d'aiguillage de la locomotive, jusqu'à l'arrivée en gare..."
Cocasse l'arrivée des passagers ! Câbles lancés à terre, descente saccadée dans des sortes de cages - ascenseurs alors que le mastodonte reste en lévitation.
RépondreSupprimerSur les quais, des dizaines de spectateurs se tordent le cou pour observer le colosse des airs.
A paris LES tours Eiffel servent de débarcadère !
Un monde sans pesanteur …
RépondreSupprimer"Les tours de la cathédrale Notre-Dame de Paris accueillent la station centrale des aéronefs dans Le Vingtième Siècle (1883) d'Albert Robida."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Merveilleux_scientifique#/media/Fichier:Albert_Robida_-_ND_de_Paris_(version_en_couleurs).jpg
Formidable découverte. Je viens de passer une heure à ouvrir les pages d'internet réservées à Albert Robida. Dessinateur doué et incroyablement futuriste.
RépondreSupprimerEffectivement, sa vision des tours de Notre-Dame servant de base pour les aéronefs est vraiment liée à l'imaginaire de Laurent Genefort.
Tous deux ont cette capacité de conduire le lecteur ou l'observateur (dessins) dans l'imaginaire par petites touches piquetant le réel. On glisse sans trop s'en rendre compte dans un univers inconnu rassuré par la présence d'éléments connus. C'est passionnant.
En apesanteur, oui.
Hélas Christiane ce petit appareil ne me permet pas d’ouvrir les liens. Ne me demandez pas pourquoi!
RépondreSupprimerAh je comprends mieux... Les iPhones , téléphones, pratiques mais souvent limites.
RépondreSupprimerCe lien éclatait ce partage avec d'autres visionnaires dont ce Wells des Premiers hommes sur la lune.
"(...) La grande affaire de cet univers c’est la découverte en 1895 de la cavorite par un certain Cavor, héros du célèbre roman de Wells, Les premiers hommes dans la lune. (...)"
RépondreSupprimerC'est vraiment dommage que vous ne puissiez ouvrir les liens au moment de la découverte du billet. C'est un long dialogue de Soleil vert avec sa mémoire, des références indispensables pour comprendre comment se construisent ses lectures. De plus chaque lien ouvert nous lance sur d'autres liens à ouvrir. C'est un voyage dans l'écriture de tant d'écrivains, de tant de livres.
RépondreSupprimerLa répétition du geste qui ouvre un lien c'est entrer dans un palimpseste, aller vers la première émotion, parfois ancienne.
C'est au lieu de superposer, enlever pour voir par transparence ce qu'il y a en-dessous, avant. Une histoire de temps. D'origine.
On pourrait remonter ainsi jusqu'au premier livre lu, le premier mot écrit. Le premier mot prononcé. Le premier regard.
Le face à face avec l'autre.
C'est aussi de l'écriture. Écrire pour lire. Lire pour écrire. C'est entre la création personnelle et l'exposition de l'écriture des autres. Une osmose. Un recul aussi. Et une grande humilité car toujours l'autre avant soi-même...
Enfin, c'est libre, indépendant comme le sont les blogs.
Son blog, d'autres blogs que j'aime suivre, c'est aussi une forme, toujours la même forme. Et cette forme donne un cadre, une sorte de métier. Un cadre pour une éthique.
RépondreSupprimerQuant aux commentaires, ce sont des témoignages pour assurer que quelque chose s'est passé à la lecture du billet ou du livre ou des souvenirs éveillés chez le lecteur.
RépondreSupprimerL'espace- commentaires c'est le lieu de la confrontation entre témoignages.
Pas toujours facile de respecter l'autonomie du roman ou le fil du billet !
Et toujours, surtout ici, cette question : qu'est-ce que le réel ? Quelle énigme quand on l'affronte par la lecture, par l'écriture, la pensée.....
Qu'est-ce que le réel ?
RépondreSupprimerLa formulation ne change pas, mais les décennies passées en modifient l'angle d'approche.
Reformulons en "pourquoi est ce que je continue à lire de la science-fiction ?"
Jeune, je me projetais vers l'avenir. Les vieilles collections, les rétrofictions ne m'intéressaient pas. Le poids du reel n'était pas le même aussi.
Aujourd'hui l'avenir se mesure à quoi, 10, 15 ans ?
Pourquoi continuer à lire cette littérature ? Une fuite en avant, le gout de la spéculation alors même que le poids du reel, la disparition des proches écrasent tout ou presque ?
Je ne sais pas.
La disparition des proches...
RépondreSupprimerPeut-être un chemin pour trouver le réel... une autre dimension du temps...
L'amour devenant la cavorite qui génère un rayonnement antigravitatif.
Alors en apesanteur, nous connaîtrons ce qu'on ne peut imaginer : un irréel devenu réel...
Bonne nuit Soleil vert. Bon sommeil de mi-nuit...
Soleil de minuit
RépondreSupprimerIl y a tant de réalisme, soudain, dans cette croisière bleue. Le roman ressemble maintenant à un polar teinté de conflits entre la France et l'Allemagne - suite à la défaite de l'Allemagne en 1913....
RépondreSupprimerUn physicien est assassiné.....
Le réel qui etait inversé par le pouvoir de la cavorite puisqu'il fallait aux humains lutter contre l'apesanteur les transformant en cosmites. Une sorte de folie pour la joie de s'émanciper du sol...
Le roman devient d'espionnage, de complots, de kidnapping.
Gaspard, (sorte de Rouletabille) épluche les schémas de construction de L'Agénor.
Enquête qui donne au lecteur l'impression de découvrir les entrailles de l'Agenor.
Donc, conclua-t-il, Lord Cuninghame avait été supprimé pour ne pas révéler un projet d'attaque contre L'Agénor.
On se retrouve dans un feuilleton dont Eugène Sue ou Gaston Leroux pourraient être l'auteur. Quel glissement imperceptible... Passionnant.
Le réel était inversé
SupprimerUn roman policier empreint de fantastique . Le mystère devient le maître mot . Laurent Genefort est un illusionniste mais aussi un auteur de polar
RépondreSupprimer”La fiction donne cohérence au chaos qui nous entoure”. Alberto Manguel.C’est peut-être aussi pour cela qu’on lit.
RépondreSupprimerÊtes-vous certain de cela, Biancarelli ? On pourrait penser que ce chaos qui nous entoure rend acceptable un monde onirique où plus rien n'a de sens mêlant habilement le possible, l'impossible et le réel.
RépondreSupprimerParfois, il n'y a plus d'autre solution que de laisser passer le temps...
Lire c'est peut-être alors entrer dans un univers chimérique où la vie n'est jamais finie, où l'on découvre un nombre vertigineux de carrefours par la logique paradoxale de la science-fiction.
Les lecteurs sont pleins d'incertitude et entrent consentants dans la fiction comme dans un labyrinthe. Un monde créé grâce à des mots... Torpeur salvatrice nous delivrant du dédale de la vie.
Ainsi, imaginer un rocher que des rebelles laisseront tomber sur la locomotive est extravagant. Plus de traction pour le paquebot... Qu'est-ce que Laurent Genefort va inventer ?
RépondreSupprimerIl n'est jamais à bout d'inventions !
Que ferions-nous s'il nous fallait à cet instant continuer la nouvelle ?
Bien, j'ai terminé la première nouvelle. La fin vous appartiendra si vous la lisez....
RépondreSupprimerÉtrange écrivain, un peu voltairien....
Anonyme Biancarelli a dit...
RépondreSupprimer”La fiction donne cohérence au chaos qui nous entoure”. Alberto Manguel. C’est peut-être aussi pour cela qu’on lit.
Phrase qui me rappelle celle d'un physicien collaborateur du Bélial' :
"Scientifiquement, c'est un immense bordel la réalité"
"(...) Je me résolus de laisser tout ce Monde ici à leurs disputes, et de parler seulement de ce qui arriverait dans un nouveau, si Dieu créait maintenant quelque part, dans les Espaces Imaginaires, assez de matière pour le composer, et qu’il agitât diversement et sans ordre les diverses parties de cette matière, en sorte qu’il en composât un Chaos aussi confus que les Poètes en puissent feindre, et que, par après, il ne fît autre chose que prêter son concours ordinaire à la Nature, et la laisser agir suivant les Lois qu’il a établies. »
RépondreSupprimerDescartes - "Le traité du Monde"
Le monde créé par la fiction serait une version simplifiée et idéalisée du chaos du monde réel ?
RépondreSupprimerCe serait comme ne pas regarder une toile impressionniste de près et se priver de ces petites touches qui se recouvrent, tourbillonnent, s'emboîtent, s'éparpillent , même si la structure de la toile est solide, stable.
L'écriture a une véritable profondeur. Elle aussi est à trois dimensions. Au mélange optique des couleurs et leur réunification dans l'œil correspond dans l'écriture cette pulsation intranquille, cette capture des mots qui attendent. Des variations admosphériques, des fluidités, cette lisière du réel... Cette absence de certitude. Les coutures du livre sont si fines. On franchit les chapitres grâce à d'autres, ainsi ces billets, ces commentaires, ces critiques littéraires. Une "co-naissance".
Le monde est inaméliorable. Sisyphe le sait. Le meilleur des mondes n'a jamais eu lieu. C'est comme ça.
Cette première nouvelle de Laurent Genefort est tellement triste... et non consolante. Mais c'est un beau cheminement, une allégorie, une hantise.
C'est un voyage désenchanté qu'offre cette croisière bleue. Cette rêverie offre un monde pire que le chaos du réel. Ce paquebot est l'invention d'un voyageur perdu dans son attente. Encore un Icare qui rêvait de voler. Gaspard descend dans l'intensité de mourir, quittant le ciel pour une narcose volontaire. Cette nouvelle ressemble à une cage. L'oiseau a refermé ses ailes. Un sanglot...
Oui, mais la tentative cartésienne fut un échec…
RépondreSupprimerLa toute première nouvelle est une envolée,le rêve d'un monde délivré des pesanteurs SV
RépondreSupprimerVous avez le sens de l'humour , Soleil vert !
SupprimerEffectivement comme toute écriture....
RépondreSupprimer"Un homme ne peut aider son temps ni le sauver ; il peut simplement lui dire qu'il court à sa perte !" (Remarque pessimiste de Kierkegaard.)
La science-fiction , souvent, présente un monde catastrophique, construit sur les décombres d'un ancien monde. Ici les ténèbres ne cessent de revenir. Est-ce une prescience de l'avenir ? Déclin et décadence, effets barbarisants des sciences, nostalgie aussi d'une ancienne culture ( un peu comme dans le film "Soleil vert").
Gaspard est un futur exilé...
Sciences et techniques comme un commencement et une fin de l'humanité.
Peut-être la deuxième nouvelle sera plus lumineuse.
J'aime beaucoup ce livre.
J'apprécie le début de "Cinquante hectares sur mars".
RépondreSupprimerLa vie sur mars, le paquebot volant , le voyage , les références littéraires du Gai Savoir de Nietzsche, le souvenir de Max Linder et du clown Foottit... tout cela par lettres envoyées au frère par Germain, c'est très intéressant.
Donc mars est une colonie mais avant tout une boule ronde :
"Ce serait un catalogue de merveilles. De la légèreté que l'on ressent à peine débarqué, à cet horizon trop courbé qui fait que l'on croit voir le monde perché sur l'épaule d'un colosse, en passant par les myriades d'insectes et d'amphibiens qui constituent l'essentiel de ce qui bouge... et ça bouge, crois-moi !"
Et soudain cette liste émouvante d'objets d'avant : les boîtes de sel Cérébos, les bouteilles d'huile Lesieur, les pâtes Lustucru, les moulins à café, un gramophone Pathé... Quel Meli mélo !
Les lettres dont datées de 1926... Étrangeté supplémentaire : l'organisation de la vie est celle des années vingt, mairie, maire, activités mais que d'insectes grouillants et de pieuvres gluantes de crabes sortant de la mer !
Les terres sont pauvres, à peine cultivables, pas un arbre, que des mousses coriaces les colons vivent chichemen.
Germain s'intéresse aux autres habitants , les Martiens, erloors, qui habitaient déjà la planète avant leur arrivée.
Cette nouvelle assez cafardeuse semble antérieure à "La croisière bleue". Elle est éclairée par cette correspondance affectueuse.
Vous écrivez : "cest vraiment un beau récit, l’itinéraire spirituel d’un être attaché à la compréhension d’une civilisation disparue et de ses survivants colonisés par les humains."
C'est vrai.
C'est quand même une planète inhospitalière en dehors de la colonie. Les Erloors sont méprisés alors qu'explorant la planète en dehors de la colonie, malgré les dangers, Germain découvre les traces d'une technologie avancée dans une sorte d'écluse. Il songe à ce que pourrait être la force des deux communautés réunies s'il n'y avait ce mépris des colonisateurs.
RépondreSupprimerDifficile toutefois de reconnaître un être qui nous ressemble dans ce peuple ailé ce sont des corps de volatiles, non ?
J'ai découvert aussi que ce nouveau paquebot volant n'est pas celui de la croisière bleue mais un vaisseau allemand reconverti au transport.
Pour en revenir, SV, a votre remarque sur la capacité d'échapper à la pesanteur par l'utilisation de la cavorite, mon enthousiasme s'est vite modéré quand j'ai vu comment elle était utilisée dans la première nouvelle : guerres, agressions, meurtres....
La science est ici utilisée pour nuire pas pour rêver.
Donc deux des quatre nouvelles lues. L'impression d'avancer dans un livre grave, dur, où rien de réjouissant n'est annoncé et surtout pas la paix
La terre semble installer la nostalgie dans le coeur de ces voyageurs intrepides.
J'aime beaucoup l'écriture de Laurent Genefort.
RépondreSupprimerSuis dans Salomon Trimosin, et Limojon de St Didier. Une parenthèse alchimique Entre le XVI eme et le XVIIeme siecle. À bientôt ! MC
Signalons cependant un recueil de nouvelles de Brian Evenson…
RépondreSupprimerToujours prêt à découvrir un nouveau livre, MC !
RépondreSupprimerToujours ce penchant pour le mystère....
- Evenson, voyons voir
RépondreSupprimer- L'écriture élégante de Laurent Genefort ; je l'avais constatée (50 hectares sur Mars) mais j'ai oublié de le signaler.
Omission réparée, c'est ça l'écriture numérique, ça ne s'arrête pas.
RépondreSupprimerC'est parti pour un Paul Auster, mais depuis qq temps "La métamorphose" de Kafka me hante. Que dire, après tout toutes les savantes études ? Quelque chose me poursuit cependant.
Le premier tome de la bio de Rainer Stach est sortie en Poche
Vous n'abandonnez rien , Soleil vert ! Vous aviez annoncé cette ouverture à l'écriture de Paul Auster.
SupprimerEt puis il y a ce ressac des romans de Kafka qui vous obsédent depuis longtemps.
Les annonces de vos travaux donnent à ce blog sa précieuse identité. Vous ne faites pas que se succéder des compte-rendus de lecture . Vous explorez à travers eux un chemin personnel rendant alors à votre blog ce qui fut l'originalité des blogs à leur création : une écriture personnelle exposée à tous ceux qui veulent la lire avec la possibilité de la commentée.
Ces blogs créaient les premiers réseaux actifs explorant les possibilités immenses d'internet.
Pourtant on dit que les blogs sont appelés à disparaître au profit de réseaux sans contenu littéraire. Juste des paroles lancées dans un espace infini pas toujours avec de bonnes intentions...
J'avoue mon intérêt pour cette forme de blog, la votre et quelques autres, qui tressent littérature et écriture personnelle.
Oui, Soleil vert, son écriture est élégante mais pas seulement. Le lecteur est face à un tissu serré de mots non ornementaux. Cet écrivain a vraiment quelque chose d'important à transmettre même si en apparence cette parole s'habille de fantastique, d'allegories.
RépondreSupprimerSes bases de connaissances scientifiques sont fiables. Ainsi dans mémoire de M. Becquerel (uranium), Mme Curie, Pierre Curie... Sauf qu'il introduit M. Cavor pur la cavorite. Les époux Curie penchés sur les propriétés radio-actives du minerai, des qualités de contradiction avec la gravité.
Et Laurent Genefort construit ces fictions sur la coexistence de la gravité et de l'antigravité dans une ère immémoriale antérieure à l'univers....
Un aparté de quelques pages avant d'aborder une succession d'articles de journaux extravagants :"Une chute mortelle à Charleroi" ou la disparition des hippopotames ou les gangs attaquant des esquifs cavoriés vagabondant dans l'espace... le retour du typhus en Russie.... Un suicide à la cavorite... le vol de l'obélisque.... une corrida dans les arènes de la rue Monge...
Après la forme épistolaire de la deuxième nouvelle, c'est un grand divertissement de lire ces articles imaginaires relevés dans des quotidiens qui eux existaient bien. Quel talent !
Ces articles de journaux dans leur succession ouvrent à une infinité d'histoires possibles.
SupprimerChacun porte un titre donnant une apparence de fait-divers réel à ces événements saugrenus. Des histoires très courtes et très denses offrant une récréation pleine de fantaisie et d'absurdité aux drames évoquent dans les deux premières, fictifs ou réels. Des fables plausibles.
L'attente qu'ils créent pour le lecteur font accepter une réalité teintée de fantaisie, de fantastique. Mais tout le livre force le lecteur à s'interroger sur le monde dans lequel il vit, à démasquer ce qui est dissimulé là où la parole est dérobée.
La mort et la solitude ne cessent d'être présentes d'une page à l'autre mais la tension qui pourrait en naître est différée par maint digressions. L'imaginaire prend alors le pas sur le réel. Le langage transpose la réalité dans un autre monde, toutefois, les situations décrites rendent compte d'une menace réelle .
Le langage fonctionne bien, tout en décalage. L'auteur peut fabriquer au moyen de la langue si efficace une histoire imaginaire crédible, cohérente .Il crée un lien solide avec le lecteur le ramenant ici et maintenant. Chaque personnage est chacun de nous. Et heureusement, le déroulement implacable des actions est bouleversé par des surprises faisant naître une autre réalité, déviant ce qui était suggéré. Le monde réel est devenu une manifestation du possible tant l'inventivité de Laurent Genefort le transforme. L'imaginaire recouvre le réel et je transforme, finit par coïncider avec lui.
aux drames évoqués
Supprimer""La métamorphose" de Kafka me hante."
RépondreSupprimerC'est décidé, je parlerai ultérieurement des études ou aperçus qui m'ont le plus impressionné.
Ce roman , on ne l'oublie pas. La métamorphose c'est aussi celle des autres de la famille de ce pauvre garçon. Ça sera un plaisir de vous lire.
RépondreSupprimerRetour à Genefort : j'ai rédigé quelques fiches sur le vieux "Cycle des villes nomades" de James Blish, villes qui s'affranchissent et pour toujours de la gravitation.
RépondreSupprimerhttps://soleilgreen.blogspot.com/search/label/Pour%20f%C3%AAter%2050%20ans%20de%20lectures%20SF%20%3A%20Cycle%20des%20villes%20nomades
Merci pour ces archives de 2020.
SupprimerLa vision des monde flottants est plus poétique dans ce roman de Laurent Genefort. J'aime que vous ayez éclairé sa création par un regard sur les oeuvres de Wells et de Robida.
Ce paquebot volant m'a bien fait rêver, la colonie de la planète Mars aussi mais comme pour J.Blish, la guerre et la mort plombent ce rêve d'apesanteur.
De plus cette invention de la cavorite ne permet pas vraiment de voler, de vivre et se mouvoir dans l'espace, juste un phénomène d'antigravité transformant êtres et objets en corps flottants exigeant la présence de ces plaques.
Ce n'est pas un monde de métamorphoses juste d'opposition de forces contraires. Une sorte d'arrachement puis de lourdeur dans les situations obtenues ou l'être humain à nouveau tombe dans ses travers : oppression, envies, guerres....
Ce monde manque d'oiseaux... Peut-être les Erloors dont j'aime l'esquisse
où
SupprimerPas de penchant pour le mystère, simplement une volonté de compréhension, Christiane. MC
RépondreSupprimerEt quel est le résultat de ces recherches, de ces lectures, de ces méditations ?
RépondreSupprimerJe vais vous surprendre: pour l’instant rien, ou des questions sur le thème comment en est-on arrivé là ? Une tentative de réponse à travers une littérature largement mythique. Encore faut-il en être conscient. Ce qu’un Canseliet n’ est pas! La présence de plusieurs voies, dont Paracelse, mais pas que lui. De plusieurs voix aussi. Trop simple de dire que l’ alchimie rhénane n’est pas l’ alchimie française, et cependant, des éléments de différence se dégagent. Un sentiment de code aussi, exprimé par K Dick je ne sais plus où: « l’alchimie est un code ». Le Mercure n’y est pas le Mercure, etc. Alors qu’est-il? Réponse ouverte encore à la fin du règne de Louis XIV….Littérature de questionnement bien plus que de réponse….
RépondreSupprimerDe ce monde de l'alchimie je ne connais que le mythe de Nicolas Flamel l'alchimiste, la figure à laquelle se réfère Zénon, le médecin, astrologue du XVIe siècle de "L'Œuvre au Noir" de Marguerite Yourcenar .
RépondreSupprimer(Elle donnait cette explication :
"La formule «L'Œuvre au noir », donnée comme titre au présent livre, désigne dans les traités alchimiques la phase de séparation et de dissolution de la substance qui était, dit-on, la part la plus difficile du Grand Œuvre. On discute encore si cette expression s'appliquait à d'audacieuses expériences sur la matière elle-même ou s'entendait symboliquement des épreuves de l'esprit se libérant des routines et des préjugés. Sans doute a-t-elle signifié tour à tour ou à la fois l'un et l'autre.")
Par ailleurs il est très présent symboliquement dans un quartier parisien où je me promène souvent parce qu'il y était écrivain public dans une petite échoppe adossée à l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, qu'il devint libraire. Aujourd'hui, la tour saint Jacques se dresse là où était son atelier. Il y a aussi un rapport avec le cimetière des Innocents et la rue Saint Jacques de la Boucherie et la rue de la Ferronnerie.
Mais le quatorzième siècle, c'est loin...
De lui on disait : "Nicolas Flamel, Parisien, lequel de pauvre escrivain qu'il estoit, ayant trouvé en un vieil livre une recepte métallique qu'il esprouva fut l'un des plus riches de son temps, temoings en sont les superbes bastiments qu'il a faicts au cemetiere des Innocents, à Saincte Geneviefve des ardens, à S. Jaques la Boucherie, où il est en demy relief, avec son escritoire au costé, le chaperon sur l'espaule estimé riche luy et sa Perronelle (c'estoit sa femme) de quinze cens mille escus, outre les aumosnes et dotations immenses qu'il feist."
Le Quatorzième siècle est certes loin, et les écrits alchimiques de Flamel ont la particularité d’arriver deux siècles après sa mort. Le Flamel historique devait être un grand propriétaire terrien dont l’ empire immobilier allait jusqu’à Nanterre. ( traces de ces lieux, abandonnés sans doute suite à l’édit contre les juifs de Charles VI. Le Flamel alchimique est une création littéraire du XVIeme siècle, dont il utilise la syntaxe et le vocabulaire.Le pourquoi de la métamorphose d’un Balkany en Alchimiste est assez saisissable. Il fallait donner un père pieux à l’ Alchimie française. Et le testament de Flamel, avec son sens du spectaculaire, avait transmis son nom autour de St Jacques. Les actuelles rues Pernelle et Flamel sont un reste soit de la Monarchie de Juillet, soit du second Empire. . Bien à vous. MC
RépondreSupprimerVoilà une saine réaction, MC. Merci beaucoup.
RépondreSupprimerOh, ce n’est pas la seule! Ce qui a été fait pour Flamel l’a été aussi pour, Le Trevisan, et tant d’autres dont on a oublié qu’ils furent d’abord, avant d’être pris pour des etres reels, des créations d’un ou plusieurs esprits anonymes ais lettrés, avant d’être pris pour des etres reels par la cohorte des commentateurs de la quête de la Pierre…et le motif de ces créations est le même que pour Flamel: passer inaperçu en créant une caution bien sous tous rapports!
RépondreSupprimerMoralité: ne jamais lire un traite sans avoir près de soi un dictionnaire des noms récent. On a des surprises…. MC
RépondreSupprimerAu moins dans la science-fiction il y a fiction !
RépondreSupprimerLa transmutation, elle s'opère dans l'écriture. Écrire est un art qui parfois offre la beauté de ce qui n'est pas.
La parole de l'historien, travaillant sur des documents enlève du lustre aux légendes... dévoile sans céder à l'imaginaire ou au factice. C'est un travail d'élucidation.
C'est aussi une expérience de la distance.
L'illusion romanesque serait-elle un vestige de cet imaginaire perdu ?
On se trouve ainsi conduit à analyser autrement la création littéraire, le lieu où vivre des fictions
Un des charmes de ce blog c'est de nouer des textes dans un rapport de reflets réciproques.
RépondreSupprimerC'est souvent dans l'enfance que germent les légendes, que sont écoutés les contes mais vient un moment où il faut se défaire de l'enfance...
Il est alors mi-nuit dans la vie....
Pas faux, mais les légendes sont parfois soutenues par des gens qu’on dirait insoupçonnables. J’ai découvert récemment qu’Arnaud de Villeneuve n’a jamais écrit un seul bouquin d’´Alchimie. contrairement à ce que lui fait dire Renan. Ils sont tous posthumes, et ça fait du monde ! De son vivant , ne paraissent que des bouquins de médecine! MC
RépondreSupprimerOui, MC, mais quels qu'aient été les évènements qui font l'Histoire leur transmission a d'abord été littéraire. Les premiers manuels d'Histoire que j'ai eu entre les mains, avec une profusion de scènes peintes naïvement étaient des livres de légendes ! Des récits épiques pleins de héros. Ils étaient supports de fantasmes plus que d'analyse et de réflexion.
RépondreSupprimerQuels médiateurs façonnaient ainsi les pensées des enfants ?Curieusement ce sont les romans et les contes qui peu à peu m'ont appris que la vie était loin d'être un rêve, que l'homme pouvait douter, être vulnérable, appartenir à une communauté de gens simples vivant un quotidien pas toujours légendaire.
Sortir de la fiction par la fiction semble une espièglerie mais c'est très sérieux !
Puis vint la confrontation avec le réel.
MC, si vous retrouvez le mod op pour la transmutation, faites nous signe, c'est l'époque de la déclaration des revenus.
RépondreSupprimerJoli !
SupprimerDécès de Bernard Pivot
RépondreSupprimerOh... Nous avons partagé tant d'heures avec lui, tant de livres, rencontré tant d'écrivains. Sa voix, ses gestes, ses rires, ses emportements.... Puis le silence d'une retraite... Une solitude loin des plateaux télés. De l'affection pour cet homme s'était construite. Un peu de nous entraîné dans cette autre solitude : la mort.
SupprimerMerci de dire aussi ce qui est triste Soleil vert.
"Le lire me manque"... (@WGG)
RépondreSupprimerQuel drôle de lapsus, ce faisant... Bàv
Quel lapsus ? Lire ses commentaires me manque, oui.
RépondreSupprimerMais hors contexte, j'aime beaucoup Le lire me manque !
SupprimerHélas Soleil Vert, aucun de ces livres n’est antérieur à 1972, ce qui limite les chances d’y trouver un feuillet du Moyen-Age expliquant le Grand Oeuvre! Bien à vous. MC
RépondreSupprimerCela dit, Bernard Husson a écrit un compendium de « Transmutations Alchimiques », et conclut à l’époque de Trimosin à l’existence de véritables savoir-faire. Ce qui ne signifie pas que la transmutation aie lieu. Mais on pouvait sans doute dorer un métal, ou plus. Nous sommes au XVIeme siècle…
RépondreSupprimerQue la transmission scientifique ait d’abord été litteraire en Occident ne l’empêche pas de dire parfois des choses intéressantes. Après tout, elle participait d’un modèle qui l’était aussi. ( Aristote, Pline, etc) Ici vers le quatorzième-seizième siècle, le problème se complique car il faut pouvoir discuter de science tout en invoquant Dieu . D’ou l’importance des « ancêtres », et créer un code pour éviter les « détournements » et autres mauvaises surprises. Ce sont des attitudes intellectuelles légitimes pour leur temps, dont on chercherait en vain ce qu’elles ont de commun avec un « grand roman national ». Au contraire, on peut trouver profonde au sens de psychologie des profondeurs, la mythologie d’un Rosenkreutz… Et je ne parle pas des recherches de Madame Yates, qui légitiment certaines figures. bien à vous. MC
RépondreSupprimerLe bilan d’un Basile Valentin dressé par Sylvain Matton, est , chimiquement, tout à fait respectable. Cf Preface au Char de l’ Antimoine…
RépondreSupprimerTous ces derniers commentaires éclairent votre recherche, MC, et sont bien intéressants.
RépondreSupprimerJe retourne au roman de Laurent Genefort qu'il me faut terminer pour avoir un recul par rapport à cette fiction.
Il est intéressant de se souvenir que la cavorite est un matériau imaginaire conçu par H. G. Wells dans son roman "Les Premiers Hommes dans la Lune", paru en 1901. (mot est forgé d'après le héros du roman, Cavor.)
RépondreSupprimerH.G. Wells eut des précurseurs : Jonathan Swift (1726) et son île volante de Laputa par antigravitation, dans "Les voyages de Gulliver".
Une telle substance aurait la propriété singulière de se comporter comme un écran à la gravitation,.
Matériau fabuleux, donc, qui est à l'origine de ce roman de Laurent Genefort.
Ici le roman de déploie jusqu'à mettre la planète terre en péril et provoquer l'exode des survivants vers mars ou la lune.
Ce qui est troublant c'est que l'auteur glisse dans cette fiction des évènements des années 1920, des fausses citations concernant la cavorite attribuées à des somités scientifiques et littéraires.
des sommités
RépondreSupprimerLivre terminé. Pas aimé le supplément pseudo scientifique qui termine le roman. Je crois que le lecteur peut s'en passer.
RépondreSupprimerMais les chapitres "feuilletons" sont tout-à-fait réjouissants. Le brouillage entre personnages réels et irréels, inventions authentifiées et celles imaginaires de l'exploitation de la cavorite sont troublants. C'est un jeu de trompe-l'oeil puissant.
Pendant ce temps des évènements font vaciller le monde, politiques ou climatiques. Un temps à se plonger dans la lecture, la création, l'écriture, la tendresse du cercle familial et amical.
Et puis il y a les morts. Ça c'est un sacré passif.. Ils sont là encore si présents et déjà leur corps va connaître cette transmutation où peut-être quelque événement inouï va se produire dont nous ne saurons rien.
Nous, les vivants restons en exil sur une planète qui est peut-être lasse d'être ainsi malmenée.
Il reste les bêtes et les plantes qui vivent leur vie et meurent aussi parfois loin de nous .
Quand même quelle aventure... La vie clandestine se resserre et se pelotonne. La nuit se cache dans les jours qui penchent.
Thierry Metz écrivait :
"Peu à peu : se redresser, partir avec l'oiseau, puis avec l'arbre, lui laisser nos gestes et le petit secret enterré à son pied. Voyage, ascension de chaque instant pour équilibrer ce qui ne peut s'élever."
C'est dans un recueil rare "L'homme qui penche" . 54 textes douloureux, une traversée... édités et imprimés par Pleine page à Bordeaux.
C'est comme un journal écrit pendant son séjour volontaire au centre hospitalier de Cadillac, en Gironde en 1996.
« Vous savez donc que l’ ANTIMOINE n’est autre chose qu’une fumée ou bien une vapeur excitée par les astres dans les entrailles de la Terre . Et les mêmes constellations qui produisent aussi le Mercure produisent aussi l’Antimoine… » Que cela ait commencé de manière paracelsienne n’est pas troublant en soi.Ne pas oublier que Newton , a la fois savant et mage, trouve la gravitation et prédit la chute de la papauté ! La manière dont le discours scientifique est incorporé puis se dégage du discours alchimique mérite bien qu’on examine le second d’un peu près….
RépondreSupprimerOui, mais c'est long...
RépondreSupprimerPas plus que ce qui reste de philosophie des pre-Socratiques à Aristote!
RépondreSupprimerSeulement cet ajout terminant le livre change la nature de la fiction pour offrir un précis totalement imaginaire de l'histoire de cette cavorite. Ça peut plaire, oui ça ne m'a pas vraiment intéressée.
RépondreSupprimerBien, je retourne à l'abécédaire que Pierre Assouline a construit à partir d'extraits de l'émission "Apostrophes" sous les yeux d'un spectateur amusé, étonné : Bernard Pivot. Suprême cadeau d'amitié. Étrangeté de revoir ce beau film documentaire (1975) à contre-courant d'un coeur qui a cessé de battre, rediffusé sur Antenne 2 hier au soir.
(1975 à 1990)
Supprimer1975.... 1990....
RépondreSupprimer"Les vendredis d'Apostrophes -france-2
Littérature"
2015 - 1 h 33 min
Quinze ans d'émissions : de 1975 à 1990.
"Pierre Assouline a composé ce florilège d'extraits d'"Apostrophes", présenté sous forme d'abécédaire, qu'il fait commenter par un Bernard Pivot surpris, heureux, nostalgique et généreux en anecdotes inédites."
Ceci , extrait du Cosmopolite, en tous points digne de Soleil Vert; « il y a un soleil centrique dans le centre de la Terre, lequel , par son mouvement ou par celui de son firmament, pousse une grande chaleur qui s’étend jusqu’ aux extrémités de la Terre ». Ces lignes antérieures d’un siècle ont elles données naissance à l’ Icosameron de Casanova?
RépondreSupprimerLe retour de MC.
RépondreSupprimerAlexandre Sethon, l’alchimiste du XVIIème siècle connu sous le surnom de «Cosmopolite», celui qui parcourut l’Europe — d’où son nom de Cosmopolite.
Un alchimiste, donc.
Il est vrai que les aristocrates de l'époque se passionnaient pour l'alchimie ! (Toujours cette avidité pour l'or lié à la quête du pouvoir.)
La transmutation des métaux ordinaires en or ou en argent grâce à la pierre philosophale ou à la poudre de projection, était un rêve partagé par bien des puissants (cupidité, orgueil ) mais pour les alchimistes c'était une quête d'absolu dans l'ombre des laboratoires, une discipline secrète, traditionnelle et initiatique.
Une science bien singulière...
Quelle vaine tentative des hommes de faire de l'or artificiel ...
Votre citation évoque le texte de la Table d'émeraude.
"Le Soleil en est le père, la Lune la mère. Le vent l'a porté dans son ventre. La terre est sa nourrice et son réceptacle. Le père de tout, le Thélème du monde universel est ici. Sa force puissance reste entière, si elle est convertie en terre.
Tu sépareras la terre du feu...."
Avez-vous lu de Roseline Toulgoat la saga "Le Cosmopolite" ?
« il y a un soleil centrique dans le centre de la Terre, lequel , par son mouvement ou par celui de son firmament, pousse une grande chaleur qui s’étend jusqu’ aux extrémités de la Terre ».
RépondreSupprimerRemarquable, tout ceci m'incite à acquérir Les terres creuses de J. Altairac, mais je suis très en retard sur mes fiches.
Il y a aussi le Voyage de Nicolas Klimius, d’ ´Holberg, ou le héros tombe dans la Terre, , et y trouve une planète indépendante. Mais cette découverte cosmique est gâchée par un monstre aérien, et Klimius doit se défendre bon gré mal gre avec sa thèse qu’il a sous le bras. ( un parchemin, pas trois volumes qui peut-être feraient reculer la bête….)
RépondreSupprimerIl ne s’agit pas d’or artificiel, que le traité de Sethon ou Scandivogius ,( appelez-le comme vous voulez, )dénonce comme une contrefaçon, mais de la Pierre elle-même. Que le codage inclut le Mercure et l’ Or, on en est sur, mais quel Mercure et quel Or? Pas le « vulgaire », c’est certain, qu’il est au demeurant possible de fabriquer, mais qui n’est pas le but du Noble Art. Je ne suis pas sûr que Sethon-Scandivogius ne soit pas une contrefaçon supplémentaire, même si un Richelieu s’est intéressé à l’ Alchimie…
RépondreSupprimerOn peut même penser que le mythe de la Pierre qui fait de l’or est entretenu soigneusement alors qu’il est question de tout autre chose…
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerJ'avais admiré, il y a quelques années, à la Maison de L’Amérique latine puis plus tard au musée des Arts premiers une exposition concernant l'usage et le travail de l’or dans les civilisations précolombiennes.
L’or n’avait pas de valeur marchande et était associé aux divinités solaires. Il était censé être le récepteur de l'énergie créatrice du soleil, d'en garder l’éclat et était utilisé dans un registre divin ou décoratif. Incas, Mayas, Aztèques m'ont alors fait rêver par la beauté de ces objets venus de toute l’Amérique latine. Ceux en or et d'autres en bois peints, des momies, des coiffes, des masques funéraires et autres ornements....
Les artisans avaient une telle maîtrise des techniques permettant de travailler l’or, les plumes, la terre. Ils se faisaient démiurges, poètes, devins et dialoguant avec le monde des esprits dans une cosmogonie primitive.
(Ces objets inspirèrent certainement Hergé dans certains des "Tintin", comme un fétiche en bois évoqué dans "L’Oreille cassée" et des coiffes rappelant celles des prêtres du Temple du Soleil. Hergé aussi aimait à se documenter....)
Le mythe de l'El Dorado trahissant la totale incompréhension de ces talismans magiques, de cette union presque sensuelle entre l'or et le soleil par les Espagnols assoiffés de richesse. Combien de fantasmes attachés à ce métal depuis la nuit des temps !
Vous pensez aux alchimistes, je pense aux peuples andins et à Hergé. L'or et la lumière... La sueur du soleil... Le Soleil et la mort... Les voyageurs de l'invisible....
Mais j'aime beaucoup votre citation, MC.
Comme disait Fuzelier dans les Indes Galantes par la voix du Grand Pretre Huascar; « l’Or qui de nos autels ne fait que l’ornement/ Est le seul Dieu que ces tyrans adorent « …
RépondreSupprimerExact et pas seulement pour les peuples andins. L'or et la mort, une association fort répandue.
RépondreSupprimerN'empêche que l'on peut admirer le travail des orfèvres et déplorer ces adorations sources de cruautés dans toutes les religions...
Un mythe autour de l'or:
RépondreSupprimerhttps://soleilgreen.blogspot.com/2021/01/le-murmure-des-dieux.html
et
La cité perdue de Z
http://messagesdelanature.ek.la/la-mysterieuse-disparition-de-percy-fawcett-p1371018
Merci pour ces belles lectures, Soleil vert. Que la fiction ait offert à d'intrépides aventuriers la recherche de cités perdues et inconnues ne m'étonne guère.
RépondreSupprimerCette fièvre de l'or inscrivit également dans ces expéditions la découverte d'autres civilisations.
Hélas pour elles !
Car pour celles-ci existait un rapport à lor et à l'argent, très particulier. Pour les Incas, l'or était l'expression des dieux, les larmes du soleil et l'argent était lié la lune. Une dualité séparait le masculin du féminin comme le jour de la nuit, le soleil de la lune ou les unissaient dans des
cérémonies rituelles dans une union quasiment mystique, cosmique.
Le peuple des métamorphoses, mi-animal, mi- humain... Créatures fantastiques dialoguant avec le monde des esprits, les chamans se plongeant dans des états hallucinatoires devenaient oiseaux, jaguars, lézards ou caïmans, un vestiaire hautement symbolique.... mais aussi médiateurs entre différentes strates du cosmos, dotés de facultés surnaturelles.
L'or, l'argent et le cuivre qu'ils trouvaient à profusion avaient une signification différente dans leur monde.
Les aventuriers pillèrent lor qui recouvrait les objets les plus usuels, les statuettes, les parures, boucles d'oreilles, colliers, pectoraux, les couteaux sacrificiels, les masques funéraires pour le fondre et le rapporter dans leurs pays d'origine.
En échange ils leur laissèrent des microbes qui décimèrent les populations de ces tribus indigènes.
Je n'oublie pas que les Incas, ces fils du Soleil, sont aussi les créateurs de routes, de temples, de forteresses épousant le dénivelé des Andes. Le Machu Picchu, site majestueux.
Traverser les portes du rêve de mille façons. Ces romans que vous citez en sont la trace, aux marges du réel..
Je pense aussi à l'irremplaçable "Tristes Tropiques" de Claude Lévi -Strauss.
un bestiaire
SupprimerEt pourtant, MC, quelque chose me paraît rapprocher les coutumes des peuples andins à celles de notre histoire des religions, c'est le rapport au sacré, ce mélange de terreur et de confiance, ce que les gens du peuple craignent en proie aux catastrophes, aux calamités diverses où ils voient des punitions des dieux.
RépondreSupprimerLe Dieu de la religion monothéiste n'est-il pas proche des divinités des cités incas pour lesquelles furent érigés des temples maintenant recouverts par la jungle.
Tous ces rites aussi qui accompagnent les morts pour les voyages supposés de leur âme, on les retrouve aussi dans l'Égypte des pharaons, dans la Grèce antique. Autant d'énergies obscures, terribles.
Le profane fait place aux superstitions, aux sacrifices s'entourant de rites de consécration.
Tout cela rattaché au fonctionnement de l'univers, à l'organisation du cosmos.
L'idée de châtiment, de faute est liée à ce commerce avec les déités comme les offrandes.. Comme une idée de restauration d'un ordre du monde perdu quand cela va mal, à retrouver.
Les rites d'expiation sont nombreux dans toutes les religions. C'est comme un acquittement.
Le sacré et la société, il me semble que vous en aviez parlé.
Dans la science-fiction, souvent, entrent en jeu des forces redoutables, l'équivalence de systèmes religieux, de lieux défendus entourés d'interdits., de forces qui incarnent le sacré.
Quand nous avons étudié ensemble "La fin de Satan" , ce grand poème de Victor Hugo, apparaissait le démoniaque, le diable, Lucifer, le Satan et ses pactes développés ultérieurement dans le romantisme.
C'est un monde de limites, de forces souterraines des sociétés totémiques, des mythes, des magiciens. Dans les vestiges des civilisations j'ai aimé retrouver tout ce qui se rapporte aux oiseaux pensant aussi à la colombe symbolique du Saint-Sacrement que la Félicité de Flaubert voit apparaître avant de mourir.
Visible et invisible, mythique ou réel, notre imaginaire fonctionne au fil de ces lectures qui viennent en aparté ponctuer les belles lectures que nous présentent Soleil vert.