La série d'articles regroupés sous le titre Passeports pour le futur propose modestement d'explorer quelques ouvrages de science-fiction et de confronter leurs thématiques les plus percutantes à la lumière du réel. Après L'Homme augmenté et L'Homme diminué, voici un bref retour sur le mouvement cyberpunk dont les fulgurances continuent d’infiltrer notre quotidien et baliser le futur.
La littérature de science-fiction est un peu comme l’oracle de Delphes. On y cherche une voie vers le futur. Parfois en vain. L’art en effet obéit à une logique interne et poursuit ses propres objets. Cette entreprise narcissique ne semble guère compatible avec la compréhension du réel, gouverné par des lois d’une complexité infinie, autant que par le hasard ou l’entropie. C’est oublier dira t’on que la démarche artistique repose aussi sur l’observation, voir l’imitation de la nature selon Aristote. Appliquée à la science-fiction cette pratique porte le nom d’extrapolation. Or même dans ce cas de figure elle montre ses limites. En fouillant dans l’oeuvre de Jules Verne, ou en se remémorant la rituelle injonction (1) adressée par l’amiral Kirk à son ingénieur de bord via un objet communiquant, on trouvera bien trace de la télévision ou du mobile.. Qui, cependant, avait anticipé la généralisation et l’ampleur de leur usage ? Personne. Mais les oracles ne mentent pas. Ils nous envoient des messages cryptés, comme la gueule de Moloch imaginée par Fritz Lang (2), enfournant des esclaves, à laquelle fera écho un jour la bouche d’enfer d’Auschwitz. Ou comme l’expansion incontrôlable d’un cube dans la ville d’Urbicande, précurseur d’Internet (3).
La littérature de science-fiction est un peu comme l’oracle de Delphes. On y cherche une voie vers le futur. Parfois en vain. L’art en effet obéit à une logique interne et poursuit ses propres objets. Cette entreprise narcissique ne semble guère compatible avec la compréhension du réel, gouverné par des lois d’une complexité infinie, autant que par le hasard ou l’entropie. C’est oublier dira t’on que la démarche artistique repose aussi sur l’observation, voir l’imitation de la nature selon Aristote. Appliquée à la science-fiction cette pratique porte le nom d’extrapolation. Or même dans ce cas de figure elle montre ses limites. En fouillant dans l’oeuvre de Jules Verne, ou en se remémorant la rituelle injonction (1) adressée par l’amiral Kirk à son ingénieur de bord via un objet communiquant, on trouvera bien trace de la télévision ou du mobile.. Qui, cependant, avait anticipé la généralisation et l’ampleur de leur usage ? Personne. Mais les oracles ne mentent pas. Ils nous envoient des messages cryptés, comme la gueule de Moloch imaginée par Fritz Lang (2), enfournant des esclaves, à laquelle fera écho un jour la bouche d’enfer d’Auschwitz. Ou comme l’expansion incontrôlable d’un cube dans la ville d’Urbicande, précurseur d’Internet (3).
Un sous-genre littéraire semble contredire ces affirmations.
Dans un long et érudit article paru dans Actusf, Le cyberpunk français à l’épreuve de l’histoire(4), Alexandre Marcinkowski retrace le parcours
de cette thématique de la science fiction à travers ses productions
anglo-saxonnes et françaises, en particulier dans son incarnation la plus fascinante,
le cyberspace. On réalise la richesse et la fécondité de cette annexion de
l’imaginaire popularisée par Gibson, Stephenson, Genefort, Egan et consorts, dont
les développements romanesques croisent les travaux de Gilles Deleuze sur la déterritorialisation
(5) ou de Guy Debord (6) sur l’importance du regard dans nos sociétés
contemporaines. L’apparition des
réseaux informatiques et d’Internet viendra peu à peu confirmer et affadir ces
utopies.
Y a-t-il cependant encore
des Dieux cachés dans les univers virtuels ? Peut être le monde
digital qu’inventent actuellement les entreprises. Le digital, alliance
d’Internet et de l’ordinateur est le fils naturel de la télématique, un concept
imaginé dans les années 70 par Simon Nora et Alain Minc. Abandonnons le Moi
narcissique et triomphant du peuple du cyberspace et la contre culture
cyberpunk. Abandonnons aussi la filiation supposée avec le space opera pour se reporter
encore au cycle des robots d’Asimov. Ceux-ci, on le sait, ont investi dans
le réel les usines. A leur tour les univers virtuels quittent la sphère
romanesque et entament leur émergence digitale dans la sphère économique. La
robotique avait transformé le secteur secondaire, le digital va bouleverser le
secteur tertiaire. La désanctuarisation du travail, le nomadisme (7), sont les
enfants de la déterritorialisation, ou de la perte du corps du
cyberspace. Etres de chair et virtuels à la fois, les salariés de demain seront
dispersés dans les intranets et les forums sociaux de leurs entreprises. Sous
les auspices de la productivité et de l’agilité, ils fusionneront avec les flux
de données sans cesse grandissants. Quant aux exclus du monde digitalisé, ils
erreront dans la Conurb.
(1) « Remonte
nous Scotty »
(2)
Metropolis
(3) La fièvre d’Urbicande de Peeters et
Schuitten
(5) L’anti oedipe
(6)
La société du
spectacle
(7) L’homme nomade de Jacques Attali
La France contre les robots de Georges Bernanos,déjà visionnaire sur la question.
RépondreSupprimerC'est juste
RépondreSupprimerMerci
SV