dimanche 10 janvier 2016

Accelerando

Charles Stross - Accelerando - Pirhana/Incertain futur





Manfred Macx, le héros inaugural d’Accelerando, préfigure l’homme nomade de Jacques Attali, version cyberpunk. Vivant en mode connecté, c’est un créateur de concepts technologiques qui brevette plusieurs fois par jour ses inventions, passe des ordres de ventes ou d’achats pour ses multiples sociétés, et se fait rémunérer en services. Son e business présente néanmoins des risques. Des mafieux débarquent inopinément chez lui, son ex-femme lui réclame des sommes astronomiques et quelqu’un finit par lui dérober son identité.
Les années qui suivent confirment cependant sa vision d’un monde futur posthumanisé, où ses successeurs virtualisés explorent le cosmos au delà d’un système solaire transformé en banque de données.

Charles Stross, écrivain britannique de premier plan, connu pour sa virtuosité à télescoper les genres, est l’auteur d’ouvrages remarqués comme Palimpseste ou le Bureau des atrocités. Son cycle des Princes Marchands n’a pas été complètement traduit en France. Avec Accelerando, il s’inscrit dans la lignée de William Gibson ou Greg Egan.

Dès les premières pages, le lecteur retrouve les senteurs de Neuromancien : « Il ignore les boites de réception de messageries instantanés, apprécie le répit d’une parenthèse de bas débit pour déguster sa bière », bref le lâcher prise en mode 2.0. Dans le XXIe siècle digital de Manfred, les flots de données supplantent les contacts humains, tout s’opère à la vitesse éclair. Conçu comme un fix up de nouvelles rédigées entre 1999 et 2004, Accelerando semble inspiré par la bulle internet de ces années là. L’utopie d’une nouvelle économie numérique, d’une croissance perpétuelle et la production exponentielle de microprocesseurs propulsent l’Humanité vers la Singularité promise par Vinge.

La description d’un monde survolté a déjà été pratiquée par John Brunner entre autres. Dans Tous à Zanzibar, celui-ci alternait intrigues et flash infos. Stross va plus loin et démarre son récit par un type d’écriture qu’on pourrait qualifier de spam. Pas de contextualisation, pas d’enchaînements, les événements ou plutôt les données s’enchaînent et sont déversés sans trêve dans l’esprit du lecteur comme dans celui du personnage. Le procédé fatigue à la longue. Parsemé d’idées fulgurantes, le charabia cyberpunk - malgré un glossaire bien conçu - dissimule le fil conducteur du roman.

Une postface de Roland Lehoucq précise les limites scientifiques de la validité de la notion de Singularité. Accelerando comme d’autres fictions similaires fascine cependant. Dans son exacerbation conceptuelle et stylistique, il traduit les efforts multi millénaires de l’Homme pour se libérer des contraintes de la Nature et nous prépare à ce choc du futur tant espéré… à moins qu’un changement climatique ne remette les compteurs à zéro.

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