jeudi 22 mai 2025

La Voie du sabre

Thomas Day - La Voie du sabre - Folio fantasy

 

 

Les yeux sous les sourcils, l’empereur très clément

Et très noble écouta l’homme patiemment,

Et consulta des yeux les rois ;puis il fit signe

Au bourreau qui saisit la hache.

                                            -          J’en suis digne

Dit le vieillard, c’est bien et cette fin me plaît.

Et calme il rabattit de ses mains son collet,

Se tourna vers la hache, et dit : - Je te salue.

Maitres, je ne suis point de la taille voulue,

Et vous avez raison. Vous princes, et vous roi,

J’ai la tête de plus que vous, ôtez-la-moi.

 

Victor Hugo - La Légende des siècles

 

 

Sur le point d’achever son existence en même temps que ses mémoires, celui qui fut le Seigneur Nakamura Oni Mikedi et le bras armée de l’Impératrice-Fille, se remémore ses années d’apprentissage auprès de Miyamoto Musashi le plus fameux samouraï qu’ait connu le Japon. Si ce rônin appartient à l’Histoire, en témoignent approximativement moultes biographies romancées, films, ainsi que son propre Livre des Cinq Anneaux, par contre le Japon du XVIIe siècle et les personnages de La Voie du Sabre relèvent de l’imaginaire.

 

Afin de parfaire l’éducation de son fils avec l’espoir secret d’en faire le futur époux de la fille de l’Empereur - une dragonne tout de même ! -, le seigneur de guerre Nakamura le confie aux soins d’un guerrier redoutable, le fameux Musashi. Celui-ci, après avoir occis quelques samouraïs de la garde personnelle de son hôte et balayé une volée de flèches, (après tout il a une réputation à défendre ) lance le jeune Mikedi sur les routes à sa suite. Délaissant l’enseignement du maniement des armes, le maitre soumet l’élève à l’apprentissage de la vie. Corvées en tout genre, découverte des arts culinaires, des plaisirs de la chair, se succèdent. Les années aussi. La route pour Edo et le palais de l’Empereur Dragon est bien lente et tortueuse, mais les pages défilent à toute vitesse. La spectaculaire scène de la récolte de l’encre de Shô, poison et boisson des dragons impressionne. Quelques courtes légendes coupent et enrichissent le fil principal sans désorienter le lecteur.

 

La Voie du sabre que tente d’inculquer le samouraï à Mikedi est une forme d’accomplissement, une route étroite impliquant nombre de renoncements en particulier la tentation du pouvoir et de l’asservissement. Une torture pour le fils du potentat et le rônin, l’un mu par des désirs de revanche, l’autre empruntant les voies du Bouddha. Tel est le drame du livre.

 

Beaucoup a été dit sur ce qui s’avère un des meilleurs ouvrages de Thomas Day paru en 2002 et fraichement réédité. Soulignons néanmoins que le paratexte, pas forcément l’entame de lecture préférée en général, se parcourt ici avec le plus grand intérêt. L’auteur cite et surtout commente ses sources. Le lexique est bienvenu. Fantasy ou pas, au Japon un katana reste un katana et une cérémonie de thé… une cérémonie de thé. Thomas Day a le mot juste comme Heinlein et la phrase souple comme Silverberg. Les amateurs de mangas intéressés par Lone Wolf and Cub, (prévoir environ 400 euros pour l’ensemble des volumes chez Panini ) feraient mieux d’acquérir La Voie du sabre

7 commentaires:

  1. "Les yeux sous les sourcils"

    Et où vouliez vous donc qu'ils fussent, les yeux
    Du monarque, à l'instant de découper le vieux ?

    Sacré Papy Hugo
    L'hémistiche c'est Hugo, les deux alexandrins c'est bibi

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  2. Je ne comprends pas la présence de cet extrait de La Légende des siècles de Victor Hugo pour introduire ce billet vraiment intéressant..
    La nature de ce roman est toute imprégnée de l'éthique du Samouraï dans un Japon ancien et fantasmé. Aucun rapport avec Le Cid... encore que...
    Donc, c'est Musashi , le samouraï, qui a été choisi pour guider et former le jeune Mikedi, (étrange adolescent qui n'a connu aucune tendresse parentale - Il n'a vu son père , le seigneur des lieux, que cinq fois... - et ne semble pas enclin à suivre ce samouraï débraillé.)
    C'est là que la magie commence dans ce rapport passionnant entre Mikedi et Musashi. Celui-ci a toujours une longueur d'avance sur l'enfant. Il semble deviner ses réactions, les prévoir. Sous une certaine rudesse désinvolte il protège Mikedi et ... règle ses comptes. Il y a du justicier en lui.
    Thomas Day, "La voie du sabre". Voilà un beau roman écrit d'une façon étrange qui nous transporte dans une autre façon de vivre, une autre mentalité.
    Mikedi est plongé depuis l'enfance dans la vie sexuelle de ces deux hommes, son père et son maître. Les concubines et prostituées, nombreuses, ne cachent ni leur nudité ni leur aspiration à goûter des fêtes des sens. Entre deux nuitées érotiques, elles sont une présence féminine rassurante pour Mikedi, n'hésitent pas à le conseiller. Lui , suit son maître en ronchonnant trouvant cette vie bien rude tout en étant fasciné par l'habilité au combat de son maître.
    C'est un roman qui commence bien. J'aime beaucoup.

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  3. Mettons que c’est une plaisanterie entre Soleil Vert et moi, pour une fois….

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Le chapitre 13 avec cette cérémonie violente du seppuku mêle la plus grande précision à l'imaginaire. Il est étrange que Musashi laisse l'enfant libre de la regarder ou pas.
    Le fait qu'il sculpte à coups de sabre dans la cadavre de l'homme qui s'est donné la mort le visage d'Akiko, sa victime et que les visages tatoués sur sa poitrine observent la scène et pleurent, emporte le lecteur dans un rêve.
    Il est bon de retrouver Musashi, sous les étoiles, au sommet d'une de ses tours de guet,dans le silence de la cité flottante.
    Puis ils brûlent les corps des morts de la sanglante bataille des îles de Kido qui vit la défaite des troupes du père de Mikédi..
    "Musashi parlait au ciel. Il récitait un poème. Il regardait la mer dans la regarder. Il pleurait." Pensant à Akiko. "Il vida son bol ébréché à la santé des étoiles."
    Mikédi est songeur... La barbarie sous couvert de tradition... Il n'avait pas eu de choix, tiraillé entre son père et son maître, deux ennemis à mort. Toutefois il est subjugué par la vitesse et la précision de son maître pendant ces combats. La voie du Sabre n'est que liberté et exige de n'avoir aucune attache... mais elle est , ici, sanguinaire.

    Je comprends mieux, Soleil vert, pourquoi vous rattachée ce récit à La Légende des siècles de Victor Hugo.

    Et voici le deuxième rouleau : Les braises de l'enseignement. (Page 94).

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  6. La fin du chapitre 9 du troisième rouleau justifie la traversée de ce roman que je n'ai pas aimé surtout le deuxième rouleau où s'accumulent des scènes d'une violence inouïe qu'elles soient de bataille ou de sexe.
    Néanmoins ces très beaux passages :
    " Il y a bien longtemps que j'ai quitté la Voie du Sabre, me dit-il. Ce jour où j'ai refusé de te tuer alors que tu avais violenté plusieurs femmes. J'arpente maintenant les voies parallèles de la sagesse, du pardon et de la vieillesse. J'ai compris les mots du Bouddha, des mots qui ne peuvent être compris par le sang jeune, toujours enclin à bouillir. Je n'ai plus besoin d'armes désormais. J'ai consacré ces dernières années à l'écriture, à la calligraphie, au dessin, à la chirurgie."
    " - Alors, fais ce que tu as à faire et fais-le vite, Démon...
    - Quoi ?
    - Tu sais très bien de quoi je parle, Démon.
    Une larme me vint à l'œil. Évidemment je le savais...
    Mon sabre siffla, tranchant la tête de celui qui avait été mon maître. (...)
    N'as-tu rien compris ? S'il ne m'a pas tué il y a plus de dix ans de cela, c'est parce qu'il savait qu'un jour je le délivrerais de l'immortalité et lui rendrais Masuji. Il a rejoint Masuji."
    L'introduction du billet est parfaite par le choix de cet extrait de La "Légende des siècles" de Victor Hugo.
    L'épilogue est splendide.
    "Mon maître n'est plus, livré au néant qui m'attend moi aussi.
    Je l'ai ainsi rendu à Masuji. Mal et bien se sont mélangés, comme ils se mélangent depuis la nuit des temps. Dans ma vie prenant fin, il n'y a ni noir ni blanc, rien que du gris.
    Dans quelques instants, je serai à mon tour devenu une légende...."

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