jeudi 3 octobre 2024

Le Bracelet de Jade

Mu Ming - Le Bracelet de Jade - Argyll - RéciFs

 

 

En l’an 1640, époque où la dynastie chinoise Ming s’apprête à s’effacer au profit de la dynastie Qing, le lettré Qi Youwen emmène sa petite fille Chen à la foire aux lanternes sur le Mont Dragon. Courant de lumières en lumières, la fillette croise la route d’un inconnu, qui lui remet un cadeau. Il s’agit d’un bracelet de jade dont l’intérieur finement ouvragé contient en son creux de fines peintures de paysages. Détail curieux, l’objet est torsadé comme un ruban de Möbius. Sa beauté finit par hanter autant le père amateur de jardins que sa fille dont les rêves s’emplissent de montagnes et de rivières.

 

Premier volume d’une nouvelle collection consacrée à des romans courts rédigés par des autrices, la novella de Mu Ming, newyorkaise née en Chine, ravit par son originalité et sa richesse. C‘est à la fois un récit issu de contes anciens comme Le Bracelet torsadé, de littérature de jardins, d’un très vieux poème utopique de  Tao Yuanming (365-427), La source aux fleurs de pêchers, qui raconte la découverte par un pêcheur d’une vallée paradisiaque dont il perdra trace ultérieurement - et une spéculation inspirée de la géométrie riemannienne (ruban de Möbius, bouteille de Klein).

  

Il est beaucoup question de jardins et de peinture dans cette fiction. L’idée « de reproduire dans ce qui est fini la nature infinie du ciel et de la nature » renvoie à « L’Aleph » de Borges, de même que l’entremêlement d’un paysage et de sa représentation évoque le meilleur texte des Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. Le vide taoïste, aux sources de l’art célébré par le père de Chen, ne voisine-t-il pas avec avec son équivalent quantique dont les fluctuations énergétiques créent la matière ? On n’en finit pas de rêver autour de ce récit comme dans les meilleures productions de Greg Egan.

  

Mais il n’est pas interdit de reposer les pieds sur terre et d’apprécier tout simplement la biographie d’un lettré et haut fonctionnaire chinois, homme bon et juste, qui las du désordre du monde et des avanies subies par son peuple, décide de cultiver son jardin. Vous avez dit Voltaire ? Enrichi d’un paratexte très intéressant, ce petit volume entame en fanfare la nouvelle collection de l’éditeur Argyll.

65 commentaires:

  1. Quelle beauté...
    Il faudra laisser longtemps ce billet et ses longues ramifications (liens).
    Ce n'est pas seulement une histoire, c'est toute une civilisation ancienne sa philosophie son art qui viennent à nous...
    Merci, Soleil vert.
    C'est un grand temps immobile sur votre blog.

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  2. Bonsoir Christiane, cela faisait longtemps que l'on n'avait pas échangé; les fiches de lecture surgissant ça et là comme des rochers dans le cours du fleuve de la vie

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  3. Mais de temps à autre, il y a ces pauses magiques où quelque chose d'indicible émane de votre écriture. Beauté et bonté...
    Alors je ne suis plus sur un blog mais près d'un lecteur, vous. Et j'écoute...
    Il y a d'abord un silence car les mots viennent de loin. "Ils remontent le cours du fleuve de la vie".
    Tige élancée et feuilles fines du bambou, droiture et élévation. Le creux dans la tige, vide, plein d'humilité. Une brise douce. Le bambou chante... Je vous imagine assis, méditant au milieu des bambous... Calligraphie...
    François Cheng disait aux Bernardins :
    "En Chine, depuis l'Antiquité, résonne une brève phrase que les Chinois se transmettent de génération en génération, phrase qui tire son origine du "Livre des Mutations", le "Yi Jing", premier ouvrage de la pensée chinoise, rédigé mille ans avant notre ère.
    Cette phrase, quatre caractères : "Sheng-sheng-bu-xi", ce qui signifie : "La vie engendre la vie, il n'y aura pas de fin."
    C'est cette maxime qui a permis au peuple de survivre à tous les conflits meurtriers et à toutes les catastrophes."
    Bonne soirée, Soleil vert.

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  4. Ce bracelet de jade offert à l'enfant au début du roman n'est pas un objet magique ayant un pouvoir ailleurs que dans la pensée.
    Grâce à lui le lecteur entre dans une représentation insolite de l'espace. Un espace torsadé qui n'aurait ni début ni fin, un peu comme l'anneau de Moebius que vous évoquez, Soleil vert.
    Le jour où j'ai découvert les pouvoirs de cette bandelette de papier j'ai été complètement destabilisée.
    Dans les premières pages du roman Chen questionne son père à propos de ce bracelet..
    Il lui répond : "- Chen, tu te souviens de ce jour où nous parlions de peinture, où nous faisions que les paysages les plus subtils n'étaient pas faits d'encre mais de vide ?"
    Il ajoute que l'artisan qui a fabriqué le bracelet a sculpté un morceau d'espace, d'abord en spirale puis qu'il l'a recouvert d'une fine feuille de jade. Donc un vide...
    L'illustration de couverture d'Anouck Faure est subtile et donne sens à ce vide, blanc de la feuille épargné portant en lui l'eau des cascades.

    Cette enfant par son père et par ce bracelet torsadé entre dans un monde onirique où le temps et l'espace se métamorphosent.
    Une littérature de l'imaginaire très poétique et philosophique.
    C'est envoûtant.
    Je laisse en attente ce texte introductif où un homme sereinement attend une mort inévitable par noyade volontaire. Je n'ai pas assez d'éléments pour comprendre son acte.

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  5. On pense à Zhang Dai grâce à une note en bas de page. Ce grand lettré et esthète chinois qui perdit tout lors de la chute de la dynastie Ming, au milieu du XVIIᵉ siècle.
    Le drame qui broie le père de Chen est semblable, lui qui se réfugie dans la calligraphie et l'art du jardin quand la dynastie Ming tombe laissant place à des hordes barbares.

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  6. Parfois, l'écriture du livre devient très savante mais le fait que Qi Youwen s'adresse à sa fille permet au lecteur de suivre cahin caha son raisonnement. Ainsi quand il lui révèle les trois principes qui guident sa recherche : celui du mouvement intérieur, celui de l'inversion mutuelle et enfin, le dernier, celui de la contenance mutuelle.
    Le lecteur apprend l'humilité puisqu'il doit se glisser dans les questions et le raisonnement d'une toute petite fille pour comprendre que l'espace peut se déployer et se courber à volonté et que les mondes peuvent se contenir les uns les autres. Pour Qi Youwen ce sont des portes de la pensée qui permettent d'accéder à un monde de paix.
    Dans le même temps, dans sa fonction de juge, il découvre l'indifférence des puissants et cherche à défendre les petits, les affamés de sa région. Et donc, ne se fait pas que des amis...
    En parallèle au chemin de son père, Chen rêve et voyage à l'intérieur du bracelet de jade créé par Zizang. Un chemin plein de vide, des espaces qu'elle remplit par l'imagination. La misère des hommes n'est pour elle qu'une ombre lointaine. Elle passe son doigt sur la surface froide du jade, étonnée après un tour complet de ne pas en trouver la fin.. Son père a bien tenté de lui expliquer cette boucle infinie. Elle s'endort et lui pressent que le monde est au bord de l'effondrement. La capitale est tombée. L'empereur s'est donné la mort.
    Ces événements marqueront la fin brutale de son enfance...

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  7. Pour échapper à l'effondrement du monde extérieur, pour protéger Chen, Qi Youwen construit ce jardin où ils pourront être en symbiose avec la nature et se concentrer sur l'art , la poésie et la calligraphie. Un jardin au-delà du temps et de l'espace.
    Ce jardin traverse les années et le roman comme le bracelet de jade.

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  8. Le chemin parcouru par Chen et son père , Qi Youwen, devient un voyage initiatique correspondant à leur développement intérieur.
    En Chine , le Tao, la Voie. Ils cheminent, sont en route l'un vers l'autre, l'un près de l'autre.
    Itinéraire insaisissable, sauf à travers leur dialogue rayonnant de sagesse.

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    1. Je découvre le Dao grâce à votre lien sur le Vide taoïste.

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  9. Ainsi Qi Youwen préfèrera abandonner toute charge pour revenir dans son jardin, quitte à vivre dans l’indigence, afin de respecter sa propre intégrité. Jusqu'où le mènera cette intégrité ? Chen comprendra-t-elle l'acte ultime de son père ?

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  10. Un acte qui est façonné par la désobéissance....

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  11. Il est parfois amusant de lire un roman qu’on a laissé passer. C’est le cas ces jours-ci avec Mysterium de Charles Robert Wilson. Il y a du K Dick là dedans avec cette projection d’un morceau d’ Amérique du XXeme siècle dans une autre Amérique, gnostique et totalitaire, à moins que la seconde ne soit le miroir de la première. Il y a aussi les défauts des premiers romans. Il faut attendre vers le chapitre XXIV un résumé plausible de ladite gnose. On voit aussi en quoi Wilson n’est pas K Dick; un souci d’ aller à la ligne l’emportant sur les visions Kdickiennes, si horripilantes soient elles. C’est un bon roman de série B, si j’ose dire…Bien à vous. MC

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  12. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  13. Ô oui, MC, quel plaisir de vous lire à nouveau, en ce jour si douloureux. Bàv2.

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  14. euh, c'était JJJ - aij encore oublié de signer mon message. Déci, démenj ...

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  15. @ Il est parfois amusant de lire un roman qu’on a laissé passer. ...
    ça m'arrive parfois et même souvent, 98 fois sur 100 environ, je dirais, mais depuis combien de temps, au juste ? Quel serait votre propre score, Marc ? Bàv. (J J-J)

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  16. De tous ces principes qui animent autant les jardins chinois que la calligraphie, ou la peinture, celui du Vide est le plus complexe. Ce n'est pas un manque, un trou, une absence, c'est un espace qui joue le rôle de contre-équilibre sur les signes, les formes, les masses. Des espaces non-occupés pour le repos, le calme.
    Dans ce roman, le grand calme s'apparente à l'infini, à la paix. Le regard en dedans. Ce que vit Qi Youwen juste avant sa mort. Il intègre alors les énergies du monde.
    Peu de temps avant il a expliqué à Chen l'importance des cercles concentriques dans sa structure du monde.
    Le Cercle est aussi une figure de l'infini, ici la figure centrale, le vide nourricier, la plénitude.
    Ne dit-on pas dans le Tao Te King qu'on naît vieux et qu'on meurt jeune ?
    Je remarque aussi qu'Anouck Faure choisit pour son "vide", l'eau. Il faudrait pouvoir présenter la couverture du livre entièrement dépliée .
    Une tresse inachevée... la porte d'accès à ce livre magnifique. Un voyage très poétique. Tout oublier jusqu'à l'abandon de la vie pour Qi Youwen pour être dans une totale liberté intérieure. Un état de vastitude auquel il accède par l'extrême abandon à la montée de l'eau. Alors il embrase tout, comprend tout. Il se déploie et naît.
    Au commencement était le vide...

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  17. Ce qui m'a aidée à comprendre (un peu) la pensée de Mu Ming c'est que ce récit est une immense spirale qui revient plusieurs fois sur certaines idées suivant les interrogations de Chen au cours du temps.
    Une tresse faite du passé, du présent et peut-être de l'avenir.
    On voit deux êtres "devenir", traversant un cycle de naissances, pour retourner vers leurs racines. Un retour à l'origine.....
    Qi Youwen...
    La notion de Qi, c'est le souffle primordial.

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  18. Je vais répondre en Normand JJJ . Il y a des auteurs que je suis qui ne sont pas obligatoirement sur la RDL . Et Charles Robert Wilson est du nombre. En soi, trouver un livre qui vous a échappé de lui n’est pas si fréquent. Il faudrait ajouter que la production historique contemporaine, bonne ou mauvaise, mais dont je rends compte ou que j’utilise crée une autre ligne de fracture avec le Roman contemporain. Voilà . Bien à vous. MC

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  19. Pourquoi ? Vous ne l’aimez pas?

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    1. La question de MC concerne un roman, « La terrasse » de Christine Montalbetti (POL editeur) dont je disais avoir interrompu la lecture. J'ai effacé le commentaire car il concernait un autre blog où j'avais commentey ce très beau roman.

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  20. Non, MC, bien au contraire. Il me reste une centaine de pages. Je les lirai, un jour.

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  21. La terrasse, un titre â la Etore Scola.SV

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  22. Quelle belle mémoire ! Rome et ces amis qui échangent sur réunis sur cette terrasse à propos de l'actualité du cinéma, de la vie et cette ado qui les observe malicieusement.
    C'est extra comme le chante Léo Ferré ! Et quels acteurs. Ah j'ai bien envie de revoir ce film. Merci, Soleil vert.

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  23. « Trop longue  », cette terrasse? À la dimension, plutôt, des monstres sacres qui y jouent! Pas de souvenir de Marie T .MC

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  24. Subjectivement, j’aurais tendance à penser qu’ Une Journée Particulière à la même durée…. MC

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  25. Et les deux monstres sacrés ne m’ont pas ennuyé !

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  26. Retour à la case SF: On signale à Soleil Vert et autres la parution d'un nouvel (?) Evenson. Le dernier Priest semble se faire attendre, lui, en VF. MC

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  27. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  28. News :

    - Il reste deux Priest à traduire, mais apparemment les éditeurs ont jeté l'éponge à sa mort (ingrate nature humaine)
    - Un des livres de la Prix Nobel 2024 est dans ma PAL depuis 6 mois (Impossibles adieux de Han Kang) !
    de Han Kang

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  29. Je pensais à un Priest autour de Superman, SV. Quant au second, rien lu dessus! MC

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  30. J'aime les sortilèges de ce livre de Han Kang. C'est exactement cela entre éveil et rêve, sommeil et mémoire. La mort comme le ciel noir où tourbillonnent les flocons irréels de la neige. Tout est neige dans cette coulée d'écriture. Noirs sont les signes d'écritures, noirs sont les troncs des arbres. Douceur et douleur mêlées.

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  31. «  noirs sont les signes d’écriture »… peuvent-ils être blancs??? MC

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  32. Mises à part ces voyelles multicolores, la couleur noire hante ce récit fantastique, liée à la mort de tous ces êtres massacrés dans l'île de Jeju au sud de la Corée en 1948.
    Ce noir des arbres comme autant de suppliciés ... La neige comme un linceul.
    Vous verrez tout cela en profondeur quand Soleil vert évoquera ce livre dont on ressort bouleversé sans pouvoir dire si nous avons lu un rêve ou si réellement les morts viennent encore hanter la conscience des survivants. Ce qui est certain c'est que l'encre noire de Han Kang inscrit devant nos yeux un récit indélébile et que le vol de l'oiseau blanc dont on ne sait s'il est vivant ou mort participe à ce noir et blanc par son ombre voletant sur les murs à la lueur d'une chandelle.

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  33. Il me semble que c’est FL qui parle de « « « Bernadette Lafon »

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    1. Cette remarque de MC concerne deux commentaires de Puck (RdL)- que j'avais rapportés- où ce diablotin ironisait sur les invités d'Alain Finkielkraut dans son émission Répliques à propos de Madame Bovary. Lui, jouant sur une palette... crue d'invitées possibles là où dans l'émission les deux érudits invités
      par A.F. conversaient avec sérieux.

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  34. Retour au roman de Han Kang, "Impossibles adieux" et à la question de MC sur le noir d'encre de l'écriture.
    J'ai repris un très grand livre de Junichiro Tanisaki, "Éloge de l'ombre", traduit du japonais par René Sieffert (Verdier).
    Il explore tout au long de ces pages le rapport à l'ombre. Comme cela sied bien à l'écriture de Han Kang dans ce roman.
    Ainsi page 70, je lis :
    "Je voudrais ici placer une observation à propos de la couleur de l'obscurité qui entourait cette blancheur. (...) Les ténèbres qui régnaient dans cette pièce, à peine éclairée par la flamme d'une unique chandelle (...) Comme suspendue au plafond, une obscurité haute, dense et de couleur uniforme, sur laquelle la lueur indécise de la chandelle, incapable d'en entamer l'épaisseur, rebondissait comme sur un mur noir.
    Avez-vous jamais, vous qui me lisez, vu la couleur des ténèbres à la lueur d'une flamme ? Elles sont faites d'une matière autre que celle des ténèbres de la nuit, elles paraissent faites de corpuscules comme d'une cendre ténue. (...)
    Ces ténèbres donnaient l'illusion d'une sorte de brouillard palpitant, elles provoquaient des hallucinations, elles étaient plus terrifiantes que les ténèbres extérieures. Les manifestations de spectres n'étaient que les émanations de ces ténèbres."
    C'est vraiment l'ambiance et la réalité d'un des passages du roman de Han Kang.

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  35. C’est aussi une traductîon princière de Sieffert!

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  36. Peut-être publiée en Connaissance de l’ Orient, tout d’abord?

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  37. Une traduction dont je ne connais que la version française. Splendide !
    Dans la préface, René Sieffert présente les travaux d'écriture, les romans, les traductions de Junichiro Tanisaki et termine par ces lignes :
    "(...) dans un opuscule publié en 1933, "Éloge de l'ombre ", que je ne suis pas le seul à tenir pour son chef-d'œuvre, et dans lequel il nous livre ses réflexions sur la conception japonaise du beau. Jamais pareil sujet n'avait été traité, sous une forme apparemment désinvolte, avec tant de bonheur ; si bien qu'à l'heure d'en présenter cette version française, tout commentaire me paraît soudain superflu.
    Éteintes les lampes, place donc au magicien et à son théâtre d'ombres."
    C'est Pierre Assouline qui un jour lointain a évoqué ce livre sur son blog.

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  38. Widergänger écrivait dans les commentaires du billet de Pierre Assouline :
    "Qui dit ombre, dit lumière.

    "Éloge de l’ombre" implique qu’on ne désire que suggérer la lumière. Pas la lumière elle-même mais ses effets sur les objets. Pas la source mais ses conséquences."

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    1. Cette citation appartient à l'espace commentaire ouvert sous un très beau billet de Pierre Assouline concernant "L'éloge de l'ombre" de Tanizaki.

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  39. Lu ”Le syndrome de l’Orangerie”de Grégoire Bouillier. Des clients m’ont dit que le narrateur devait être atteint du syndrome de Stendhal, ne voyant que mort et deuil devant les panneaux des Nymphéas de Monet. Mais ces peintures rappellent le deuil de Camille,première épouse du peintre morte d’un cancer et qu’il peignit sur son lit de mort. J’ai compris que c’était un peu le fil narratif d’un roman qui est quand même très tourmenté ,labyrinthique,plein d’allusion à des deuils personnels.
    Je ne sais où on peut voir ce portrait de Camille sur son lit de mort.

    Libraire

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    1. Bonjour,
      Merci pour le partage. J'ai eu du mal à entrer dans cette recherche de plus en plus macabre.
      Monet... que ce soit cette oeuvre monumentale ou ses séries est pour moi un peintre de la lumière. L'eau étant le miroir de mille et une variation. Cette salle des Nymphéas est un havre de silence de méditation un peu fantasmatique. Une œuvre d'une somptuosité incroyable. Fusion des couleurs. Grande subtilité chromatique.Sérénité de ces bleus, de ces mauves. Équilibre d'un souffle et des mouvements. La lumière surgit de l'indistinct. C'est un travail de Monet qui ignore la précipitation.
      Le vide et le plein...
      A-t-il pensé à la mort ? C'est possible.
      Je reçois lors de mes visites surtout une façon de représenter la lumière, le calme de l'eau. Une déstructuration de l'espace, un paysage sans consistance.. Une grande liberté contrôlée. Et l'éclosion des nymphéas...


      https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/camille-sur-son-lit-de-mort-1291

      Grégoire Bouillier, c'est un autre domaine. Celui de l'écriture. Celui de l'enquête autour de morts souvent inexpliquées. C'est sombre, poisseux, souvent désespéré. Plein de non-dits, de ratages, d'êtres qui s'ignorent, parfois pleins de ressentiments à cause de ce qui n'a pu se dire, être réalisé.
      Une certaine drôlerie parfois avec la présence de ces deux acolytes rarement d'accord.
      C'est bien qu'il puisse dans les mystères de cette œuvre trouver le clair-obscur de son être, ses penombres. Je ne doute pas qu'il a vu ces eaux comme des suaires, comme des ondulations où naissent des tristesses, des malheurs.
      Bouillier est un écorché, un solitaire taciturne dans ces salles de l'Orangerie. Il pense à la mort.., la juxtapose à la vie.
      Ses livres ressemblent à des cauchemars... J'aime les lire puis les oublier.

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  40. Soleil vert, vous évoquez la nouvelle de Borges "L'Aleph".
    La dernière du recueil, celle qui donne son titre à l'ouvrage. (Alors qu'elle est la première
    lettre des langues occidentales).
    Surtout dans son final à propos de cette maison qu'il ne faut pas détruire à cause d'un vieil escalier dans une cave, présence de l'Aleph, un nombre d'assemblages plus grand que l'infini, un «point de l’espace dans lequel se trouvaient tous les points», un «lieu où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l’univers vus de tous les angles.»
    D'autres signes aussi, le zahir, (une pièce de monnaie, un léopard, un tigre, une bibliothèque...) qui sont autant d'empreintes d'une écriture blanche , très lointaine, qui prédestine ses personnages. Le destin ? Une chimère ?
    Une sorte de répétition entre les dix-sept nouvelles réunies dans l'ouvrage qui, toutes forment une combinatoire entre une vie particulière et l'infini. Une certaine forme de possibles...
    On pense bien sûr au jardin de Qi Youwen, tel qu'il le décrivait à sa fille, Chen dans le beau recueil que vous nous présentez, "Le bracelet de jade" de Mu Ming.
    Oui, "un homme s'identifie peu à peu avec la forme de son destin".
    Une rencontre architecturale dans les deux écritures comme écrire que dans l'éternité tout revient.... Une spirale incessante.

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  41. Il y a eu une polémique nourrie dans les colonnes du Figaro Littéraire entre Bouiller et un possible devancier, ( non nommé dans ce roman , comme il se doit!) . Les deux camps ont parlé…

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  42. On ne va pas multiplier les résurrections à la demande! Bonne mise au point de JJJ là dessus.

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    1. Et là, on évoquait l'annonce de la mort de Sergio, un ami talentueux et mélancolique qui tenait un blog aujourd'hui disparu

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  43. A chacun son cheminement intérieur....

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  44. merci MC de m'en savoir gré. Cela dit, il ne s'agit pas de compter les points entre nous... D'avoir parfois de fulgurants souvenirs... Renato M. a eu l'air de n'être point étonné. Lui non plus n'est pas dans le déni. (JJJ)

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  45. Vous n’allez pas me dire que vous aussi vous y croyez! Même à demi!

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  46. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  47. Desolée, Soleil vert, j'ai relu et ces apartés j'avais besoin qu'ils deviennent comme effacés. J'ai laissé les mots venus de vos livres ou de ceux de la libraire que j'aime beaucoup.
    Pour votre nouveau livre (billet suivant) , je ne suis pas encore prête. Voilà que vous m'avez lancée dans la relecture du "Quatuor d'Alexandrie", le chef-d'œuvre de Durell. La même histoire en quatre variations.... et Alexandrie...

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    1. J'ai terminé le premier des quatre romans du Quatuor. "Justine". C'est Darley, le narrateur qui raconte sa liaison avec Justine et le trouble de Nassim son mari. C'est aussi cette amitié amoureuse avec Mélissa. Une très jolie rencontre sur fond d'un bouquet qu'elle n'ose lui donner. C'est plein d'amours un peu mystiques. Tout dans le coeur et dans les regards.
      Et puis une Alexandrie inventée, magique, fantasmée plus irréelle que Dublin pour Joyce dans "Ulysse".
      Chaque roman les racontera ces quatre personnages, différemment, selon ce qu'ils ont vécu des autres. Justine a une blessure ancienne et secrète qui l'empêche d'offrir totalement son corps aux hommes qu'elle aime, son mari, Nessim, son amant, Darley. Melissa est innocente, enfantine, spontanée.
      Et il y a Alexandrie et ses sortilèges et la disparition de Justine, à la fin du premier des quatre romans. C'est beau et ça fait mal. Bonne nuit aux veilleurs. J'écoute Kathleen Ferrier. Puck m'en a donné envie. Oui une âme....

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    2. "La nuit, lorsque le vent hurle et que l’enfant dort paisiblement dans son petit lit de bois près de la cheminée, j’allume une lampe et je vais et viens en songeant à mes amis, à Justine et à Nessim, à Melissa et à Balthazar. Pas à pas sur le chemin du souvenir, je reviens vers la ville où nos vies se sont mêlées et défaites, la ville qui se servit de nous, la ville dont nous étions la flore, la ville qui jeta en nous des conflits qui étaient les siens et que nous imaginions être les nôtres ; bien-aimée Alexandrie !"

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  48. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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