Philip
Roth - Le complot contre l’Amérique - Folio
Le jeune Philip Roth est
âgé de 7 ans lorsque en compagnie de ses parents il entend à la radio les
Républicains désigner à la convention de Philadelphie de juin 1940 Charles Lindbergh
candidat à l’élection présidentielle américaine. A l’annonce du résultat les
voisins et habitants juifs de Summit Avenue à Newark sortent dans la rue. Le
pire survient lorsque quelques mois plus tard le même Lindbergh bat le
démocrate et président en exercice Frank Delano Roosevelt. C’est que le célèbre
aviateur ne symbolise plus aux yeux d’une partie de la population américaine l’Aigle
qui franchit en solitaire en 1927 l’Atlantique à bord du Spirit of Saint Louis.
Membre influent d’ « America First » un mouvement opposé à
l’engagement des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale, il ne cesse de
dénoncer la propagande belliciste des coreligionnaires de la famille Roth. Les
craintes du père de Philip se réalisent lorsque Lindbergh signe un pacte de
non-agression avec Hitler et cesse de livrer des armes à la Grande-Bretagne.
Le complot contre
l’Amérique emprunte bien
évidemment - et heureusement - les
chemins de l’uchronie. On évoquera sans surprise Le Maître du Haut Château
de Dick auquel on pourrait ajouter Journal de nuit de Jack Womack qu’il
rejoint par le thème d’une descente aux enfers d’un pays vécue de l’intérieur
d’une famille. La peur de la contingence, d’une espèce de Némésis qui frappe
les individus, la déchéance morale (1) parcourent l’oeuvre de Philip Roth. Ce
sont ces considérations plus qu’une incursion uchronique rapidement avortée (2)
qui emportent le morceau. Les divergences éthiques déchirant la famille Roth ne sont pas sans rappeler les dissensions vécues au sein des communautés françaises entre
collaborateurs et résistants.
A l’embarquement dans
l’imaginaire propre au genre se substituent une fresque historique et un
savant mélange de personnages réels et fictifs qui restituent bien les débats
qui agitèrent la société américaine d’alors. Pour mémoire il fallut attendre Pearl Harbor en
1942 pour que se taisent enfin les opposants de Frank Delano Roosevelt au nombre
desquels figuraient par exemple Joseph Kennedy en désaccord avec son fils John. Dans le récit, l’auteur s’attarde peu sur les conséquences militaires du non engagement des
forces de sa nation. L’armée nazie a désormais les coudées
franches sur le front de l’est et les anglais … continuent de résister.
Dès lors Le complot
contre l’Amérique se présente comme une autobiographie fictive et un roman
d’apprentissage de la peur. La figure du père domine les débats, opposant
lucide à la politique de Lindbergh tout en essayant de préserver l’unité
familiale. Il a fort à faire avec sa belle sœur Evelyne fiancée avec un rabbin
acquis aux idées du président, son fils Sandy embrigadé dans le mouvement « Des
gens parmi d’autres » variante américaine des « Chantiers pour la
jeunesse » de Pétain, et Alvin, neveu orphelin, parti au Canada lutter
contre les nazis et revenu avec une jambe de bois avant de sombrer dans la
délinquance. En comparaison le jeune Philip avec sa collection de timbre et son
copain pot de colle Seldon parait un narrateur bien sage.
Tout cela est puissant,
très documenté, avec de vrais moments d’éloquence, un témoignage de l’Amérique
des années 40. La divergence uchronique étalée sur deux petites années seulement
avant de réintégrer le cours bien connu des événements, a du moins le mérite de
rappeler que « l’Histoire est la science du malheur des hommes. »
(1) cf Némésis et Le rabaissement
(2) L'avis de Laurent Leleu
Si tant est que je m'en souvienne Roth est depuis peu dans la PLEIADE.
RépondreSupprimerCe qui est rare du vivant et confirme bien son talent auquel tu rends
hommage
Oui, la direction de la collection Pléiade est plus avisée que le juré Nobel.
RépondreSupprimerA tout hasard, je leur ai glissé le nom de Ballard, mais selon Baptiste Melzer, il n'est pour l'instant pas dans les petits papiers. Soyons patients.
Hello camarade,
RépondreSupprimerJe confondrais-tu pas Theodore et Franklin Delano Roosevelt ? ^^
Ubik
Tout est foutu, surtout moi
RépondreSupprimerFigurer dans la pléiade ne veut plus dire grand chose de nos jours;un écrivain n'en n'est pas moins génial
RépondreSupprimerTout de même, la Pléiade c'est quelque chose. (Il y a bien quelques interrogations : Montherlant, Drieu la Rochelle, voire d' Ormesson). C'est surtout le Nobel qui ne tient plus la route.
RépondreSupprimerBarbara, quel beau prénom, entre Prévert et l'aigle noir !
Oh merci! LE Nobel est une chose et LA Pléiade une autre.
RépondreSupprimerPrix Nobel post mortem pour Philip Roth!
RépondreSupprimerSelon Yann Queffelec, c'est Trump le héros du Complot contre l'Amérique et non pas Lindbergh
RépondreSupprimerLindbergh était pourtant de la meme..trempe
RépondreSupprimerRoth disait que le vocabulaire de Trump se limite à 70 mots. C'est la grande différence avec Lindbergh
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