Leo Perutz - Le Marquis de Bolibar - Le livre de poche
A la mort d’un gentilhomme allemand, on découvre un mémoire
relatant un étrange épisode de la guerre d’indépendance espagnole dont il fut
l’unique survivant. Il relate la destruction mystérieuse des régiments de
Nassau et du Prince de Hesse à La Bisbal, une commune de Catalogne, en hiver
1812. L’évènement oublié ou passé sous silence par les historiens ressurgit
brutalement à la lumière des explications sensationnelles avancées par l’ancien
officier.
En 1812 donc, dans la ville de La Bisbal, deux régiments
allemands de l’armée napoléonienne établissent une ligne de défense contre l’ennemi
espagnol. Les quartiers sont plutôt calmes, la population vaque à ses occupations
ordinaires et les discussions des
officiers oscillent entre les amours illicites de la défunte femme du colonel commandant
la garnison, et les apparitions fantomatiques d’un certain Marquis de Bolibar soupçonné
d’élaborer un soulèvement contre les troupes de l’Empereur. L’irruption de la
nouvelle maîtresse de leur chef va enflammer les esprits et contribuer à
conduire ces hommes à entreprendre une série d’actes déraisonnables et
catastrophiques.
Pour « la petite histoire », il y eut en
septembre 1810 une bataille opposant, dans la commune qui sert de décor au
récit de Perutz, une brigade française à une armée espagnole soutenue par une
escadrille anglaise. Un certain Marquis de Campoverde s’illustra d’ailleurs
dans ces conflits en prenant quelque temps la tête des troupes catalanes
opposées à l’armée de Macdonald ; l’auteur y a peut être puisé le
personnage du Marquis de Bolibar. Mais nous sommes bien ici dans une pure
fiction dans laquelle démons et spectres se jouent des volontés humaines.
L’ouvrage n’est pas sans rappeler Le maître du Jugement dernier où un criminel insaisissable et
surnaturel guide les mains et les esprits des meurtriers dans la tradition d’un
certain théâtre antique et élisabéthain. On retrouve le thème de la
substitution d’identité présent dans Le
cavalier suédois. Perutz conduit son récit dans un crescendo qui voit la
confusion s’installer dans les âmes des soldats alors qu’éclate une bataille aux
accents de l’Apocalypse de Jean :
« le voilà qui
arrive, le dominateur, l’être terrible qui va détruire ton royaume en ce monde ».
Pour mémoire l’ouvrage est publié en 1930. Décidément Léo
Perutz n’en finit pas d’étonner les lecteurs.
PS : un mot sur la préface de Roland Stragliati. Le
critique écrit ceci sur le roman: « le
fantastique parvient constamment à se dépasser pour atteindre à un pathétique
bouleversant, à une véritable grandeur.» Au nom de quoi la littérature fantastique
devrait elle faire appel à d’autres moyens pour se dépasser ? Ne contient
elle pas en elle même la substance propre à son élévation ? La divine Comédie ou Faust n’en sont ils pas des exemples
éclatants ? N’est ce pas plutôt le réalisme qui doit faire appel à des éléments
« hors réalité » pour se transcender ? Comment rendre compte de
l’existence d’un être humain à la durée de vie limitée à quelques décennies
occupées à parcourir quelques pas sur un globe orbitant autour d’un soleil
vieux de 5 milliard d’années et lui-même poussière au milieu de 100 milliards d’étoiles
groupées en autant de galaxies ?
cinq milliardS d'années méritaient bien un S...
RépondreSupprimerah ! Leo Perutz... comment a t on pu le mésestimer à ce point ?
Fort bien dit... (JJJ)