mardi 8 mars 2016

Argentine



Joël Houssin - Argentine - Folio SF



Le dégoût de vivre ne supprime pas la peur de mourir




De Joël Houssin, pourtant pur produit du Fleuve Noir, on se souvient surtout du temps du twist et d’Argentine deux incursions chez Présence du futur en forme d’uppercuts, pour rester dans l’accroche à la Philippe Manoeuvre du 4eme de couverture. Un ton, une écriture qui valurent à l’auteur d’être primé à de multiples reprises, de rencontrer un succès commercial considérable pour son cycle policier Le Doberman et de scénariser plusieurs épisodes de séries télévisée grand public, Navarro, Commissaire Moulin, Les bœufs carottes

Dans une cité prison égarée au milieu d’un désert infranchissable vivent quelques communautés humaines essentiellement sud américaines, lointaines descendantes de prisonniers politiques. Oubliées les luttes d’antan, les combats se bornent désormais à des guerres de quartier, des affrontement claniques, comme un exutoire à l’impératif de survie, dans l’attente hebdomadaire des livraisons de nourriture avariée. La drogue fournit des passerelles aléatoires à qui ne supporte plus la violence, la présence des milices et plus généralement l’existence dans un univers sans passé, sans futur.

Diego alias Le Golden Boy est l’un de ces anciens meneurs de bande, devenu célèbre pour une incursion dans le Quartier Sud. Depuis il a raccroché les armes, supportant la présence d’un père dégénéré et essayant de dissuader son jeune frère Jorge à la tête des Enragés de suivre son exemple. Face à la pénurie, il accepte néanmoins de mener quelques expéditions dans l’espoir secret de retrouver sa sœur Gabriella.

Argentine pourrait n’être qu’un roman de jungle urbaine de plus avec flingue, blouson et moto. Il échappe pourtant à ce poncif de jeu vidéo grâce tout d’abord à la mise en place d’un monde clos et schizophrénique dont l’argumentaire science-fictionnesque évoque Le monde inverti de Christopher Priest et Le désert du monde de Jean-Pierre Andrevon. Autour de ce récit du début des années 90 flottent aussi le souvenir des prisons argentines et des dictatures sud-américaines. La cité ghetto devient alors la métaphore des tyrannies qui s’auto-entretiennent et engloutissent sans encombre espoirs et utopies.

Ces sombres réflexions en forme de post romantisme désespéré culminent superbement au début du chapitre 31 alimentées par une écriture en feu de bengale. Vingt cinq ans après le texte n’a pas pris une ride. L’horreur économique et le fanatisme religieux ont simplement pris la place des juntes militaires.

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