China Miéville - Légationville - Fleuve éditions
« Sur Arieka, planète à l’air irrespirable aux
confins du monde connu, Legationville est un comptoir commercial et une enclave
humaine alimentée en oxygène. Ici, les Ariékans, appelés les Hôtes, et les
Humains cohabitent en paix.
Pourtant la communication entre eux est délicate : les
Ariékans, bien que parlant par deux bouches, ne connaissent qu’un niveau de
langage ; le mensonge leur est inconcevable, et tout forme de métaphore,
inintelligible.
Seuls les Légats, paire de clones humains élevés et
appareillés en symbiose, peuvent échanger avec les Hôtes. Et un Légat
improbable vient d’arriver en ville, chargé d’imposer les nouveaux plans du
Bremen.
Par tous les moyens »
Dernier ouvrage paru de China Miéville,
Legationville aborde un sujet un peu pointu de la littérature de science-fiction,
le langage. Au-delà de la communication avec les extraterrestres, ce thème
ouvre des portes sur des explorations philosophiques ou sociétales comme le
pouvoir sur la société (1984, Les langages de Pao), le pouvoir sur le
réel (Terremer), la folie (L’enchâssement) … Dans la lignée de
ces romans, l’auteur des Scarifiés entame une réflexion inédite sur la
parole comme drogue.
L’héroïne de son récit, Avice, est
une « immerseuse », entendez par là qu’elle pilote des astronefs
dans l’hyperespace. Native d’Arieka, elle retourne sur sa planète au moment où
débarque un nouveau Légat, c'est-à-dire un nouveau traducteur, du nom d’EzRa,
dont les discours vont générer une addiction et semer le chaos chez les aliens
(les Hôtes). Les Ariékans en effet souffrent d’un défaut rédhibitoire, ils
adorent et croient au Langage, en fait à tout ce qu'on leur dit! Comme l’indique le 4eme de couverture, ils
ignorent les métaphores et n’imaginent pas que les concepts ou les mots
puissent s’affranchir du réel. En résumé ils récusent toute pensée abstraite,
ce qui par ailleurs soulève un problème non abordé par China Miéville :
comment édifier une civilisation technologique sans l’apport des
mathématiques ? Postuler que « la carte c’est le territoire »
génère aussi des casse-têtes syntaxiques dont les Hôtes s’affranchissent par
des moyens originaux. Ils intègrent les humains dans leurs discours en les
mettant en situation. Avice devient ainsi une comparaison, un élément
de langage.
L’esprit fertile de l’écrivain l’incite à concevoir une « fête des mensonges »
durant laquelle les aliens, hostiles d’ordinaire à ce procédé, s’ y essayent
par jeu. Le mensonge c’était aussi le point de départ du Monde des non A
de A.E Van Vogt. Gosseyn découvrait la profonde dichotomie des mots et des
choses et le chaos du monde. D’une part, Légationville nous renvoie à
notre propre duplicité vis-à-vis du langage, dont nous sommes à la fois acteurs
méfiants et victimes : paroles de dictateurs, leitmotivs publicitaires,
réseaux sociaux … Mais d’autre part il propose une voie de salut déjà empruntée
par Jack Vance, grand inspirateur de Miéville, dans Les langages de Pao.
(1)
La thématique passionnante du livre n’oblitère pas toujours la difficulté de
lecture : un peu de ventre mou dans la première moitié du roman, une
narration conduite presque systématiquement par l’héroïne, l’absence de
contextualisation qui aurait allégé le récit. On a du mal aussi à cerner la
personnalité de Avice. A l’actif les inventions verbales de China Miéville,
bien traduites par NatMège (immer, trids, idents …) et
les machines organiques vivantes qui évoquent les créations de Giger.
Plus intéressant que Kraken, un peu moins original que The
City and the city, Légationville reste en deçà des flamboyants Perdido
Street Station et Scarifiés,. Mais avec China Miéville tout reste
possible. En route pour le vacuum incognitum !
(1) Sur cette influence et les autres, on pourra se reporter à un article du Cafard Cosmique
Salut,
RépondreSupprimerTu m'intéresses camarade. J'avais laissé le bouquin de côté en attendant quelques retours. C'est chose faite.
U
Dans l'attente de tes impressions !
RépondreSupprimerAmicalement (et bonnes fêtes)
SV