Robert
Silverberg & John Brunner & Chelsea Quinn Yarbro - La porte des mondes
- intégrale - Editions Mnémos / Intégrales
Robert Silverberg est en haut de l’affiche cet automne.
Invité d’honneur aux Utopiales 2015 (1), deux
ouvrages inédits de l’écrivain viennent d’être publiés en France, l’un
aux éditions Actusf, l’autre chez Mnémos dans la collection Intégrale. Deux
oeuvres collectives, la seconde Beyond the gate of Worlds datant d’une
vingtaine d’années mais n’ayant fait l’objet que d’une traduction partielle. En
effet La porte des mondes de Silverberg fut édité dans la collection
L'âge des étoiles chez Laffont et la nouvelle « Tombouctou à l’heure du
lion » figure dans le recueil Le nez de Cléopâtre en Présence du
futur/ Denoël. A l’inverse le lectorat français découvrira avec plaisir les
courts récits de Brunner et Yarbro. Si les quatre fictions n’atteignent pas
l’exceptionnel - encore que le roman de Silverberg constitue un des mètres
étalon du genre uchronique - , elles n’en demeurent pas moins de qualité et
l’ensemble dégage une homogénéité et une cohérence indiscutables.
La peste, enfin la grande peste de 1348 qui ravagea
l’Europe, a inspiré quelques romans célèbres de la littérature de l’imaginaire
– si l’on veut bien se limiter à ce domaine : Effelheim de Michael
Flynn (Ailleurs et demain) ou Le grand livre de Connie Willis (J’ai Lu)
par exemple. Mais elle constitue aussi un territoire de choix pour l’uchronie,
c'est-à-dire l’Histoire divergente. Que ce serait il passé si le fléau avait
décimé non pas un quart de la population occidentale, mais les trois quart,
voir plus ? Avant le remarquable Chroniques des années noires de
Kim S Robinson, Robert Silverberg avait imaginé dans La porte des mondes,
un univers dominé par l’Empire Ottoman, l’Empire Russe et, sur le continent
américain, par les Aztèques et les
Incas.
Construit comme un roman d’apprentissage le premier texte
narre les aventures d’un jeune anglais Dan Beauchamps qui va chercher gloire et
fortune au Mexique. Après la vague de Peste Noire de 1348, l’Angleterre du
début des années 1960 est un pays exsangue sous domination turque comme le
reste de l’Europe, et ce sont les bateaux aztèques qui sillonnent le globe. Débarqué
dans un port au nom imprononçable – Chalchiuhcueyecan – en compagnie de
quelques compagnons dont il s’est lié d’amitié au cours de la traversée, il projette
alors de se rendre dans la capitale du puissant roi Moctezuma XII. Il effectue
ce trajet avec un personnage influent et quelque peu devin, Quéquex qui lui
doit la vie. A Tenochtitlan, le jeune anglais décide de prendre contact avec un
prince dissident plutôt que d’être présenté à la Cour. Multipliant rencontres
heureuses et choix désastreux, Dan Beauchamp va sillonner le Mexique et pousser
jusque dans la région nord des Hespérides - le continent américain - dominée par
les russes, à la quête de son rêve illusoire. Une façon pour Robert Silverberg
de dresser la carte de ce monde étrange où règnent ceux qui ont réussi à
pousser La porte des mondes, c'est-à-dire
à infléchir la cours de l’Histoire. Une écriture légère, aérienne, une altérité fascinante rendent la lecture plaisante.
Conséquence de la Peste Noire, les européens n’ont pas
colonisé l’Afrique. De puissants royaumes y ont prospéré, comme celui de Songhaï.
A Tombouctou, la capitale, l’émir agonise lentement. Souverain avisé, il a tenu
son pays à l’écart des convoitises ottomanes et russes, et des nations rivales
comme le Mali. Des dignitaires venus du monde entier lui rendent hommage et attendent
dans la chaleur étouffante le début des funérailles. Leur présence n’est d’ailleurs
pas dénuée d’arrières pensées politiques. Dans cette atmosphère de complot, le
fils de l’émir observe avec amusement l’amour naissant d’un jeune et timide diplomate
anglais et d’une jeune fille turque. Avec « Tombouctou à l’heure du lion »
paru en 1991, l’auteur des Monades
urbaines livre une nouvelle réussie dont la narration repose sur le thème
de l’attente, matérialisé par ces chaleurs suffocantes qui précèdent la pluie africaine et le dénouement. Un Silverberg de la maturité.
John Brunner place l’action de « Sous le signe de la
rose » à Cracovie dans l’hôtel historique Pod Roza. Il s’inspire de l’histoire
véridique de Nicolas Wierzinek, riche conseiller du roi de Pologne qui invita à
sa table l’empereur d’Allemagne et plusieurs
souverains dont ceux de Hongrie, Chypre, Danemark. A la suite de ces
festivités, un traité fut signé contre les Turcs. Dans le texte de Brunner, Ismaël,
dignitaire ottoman en exil reconverti en aubergiste, réunit un certain nombre
de personnages issus de nations diverses qui ont en commun le désir de modifier
l’Histoire. Leur récit est celui de leur échec. Un seul par son action ébranle
l’Empire russe. L’auteur de Tous à Zanzibar
disserte brillamment dans cette nouvelle sur les ressorts de l’Histoire.
Au milieu de cette assemblée prestigieuse, Chelsea Quinn
Yarbro tire honorablement son épingle du jeu. Dans « L’exaltation des
araignées » L’Inca Véritable, souverain du Pérou, lutte contre une rébellion
menée par un Inca Illégitime venu des plaines. Plusieurs jeux d’alliance s’offrent
à lui, maoris, japonais … Mais la véritable menace vient de l’ennemi traditionnel,
l’Empire Aztèque, La description des différents clans au service de l’Inca est
plaisante et on se dit qu’en étoffant son texte Yarbro aurait pu encore l’améliorer.
Sans concertation préalable - à ma connaissance - les différents
protagonistes ont su s’accaparer un territoire de l’univers créé par Robert Silverberg.
Le volume est beau et cartonné. Pas de texte de présentation hormis le 4eme de
couverture, mais on s’en passe. Achat recommandé donc. On pourra essayer dans la même
collection l’intégrale de L’anneau –Monde
de Larry Niven, même si tout n’est pas du même niveau.
Ainsi se termine mon
100éme article.
Interrogeons mon
nouvel ami Prestimion Le Coronaire.
« Qu’en penses tu ?
-
Bah, tant que ça
t’occupe …
-
Merci, c’est encourageant ! »
(1) une édition endeuillée par la disparition de Yal Ayerdhal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire