dimanche 15 juin 2014

Notre île sombre

Christopher Priest – Notre île sombre – Denoël Lunes d’encre







Notre île sombre est une réécriture d’un roman de jeunesse de Christopher Priest, Le rat blanc paru en 1971.Ainsi que le précise l’auteur dans la préface, ce texte avait pour ambition de renouveler le genre des romans catastrophe alors en vogue dans les années 50 où s’illustra, entre autres, John Wyndham. Le thème connut son apogée avec Thomas Disch et surtout Ballard qui mit en scène des dérives mentales sur fond d’apocalypses climatiques. Aujourd’hui encore, il alimente la trame de nombreux blockbuster.


Dans un proche avenir, l’Afrique connaît un effondrement économique et social. La famine s’installe, des guerres déchirent le continent et poussent les habitants à tenter de rejoindre par dizaines de millions les côtes européennes. Cet afflux massif de population, notamment en Grande Bretagne, provoque par effet de domino la désorganisation et la mise à bas du pays hôte, accrus par les atermoiements d’autorités ne sachant quelle attitude adopter. Le roman retrace l’odyssée d’Alan Whitman, un enseignant , de sa femme Isobel et de leur enfant Sally, chassés de leur maison et contraints de subir une errance perpétuelle sur fond de guerre civile jusqu’au dénouement tragique. Christopher Priest a organisé son récit en juxtaposition de scènes appartenant à des périodes temporelles différentes.


Alan Whitman est au centre de l’intrigue. Personnage veule, inconstant affectivement et sexuellement, son comportement calque d’une certaine manière celui d’une population qui à l’orée d’un conflit ou d’une catastrophe naturelle, puis ensuite au cœur de la tourmente s’efforce désespérément de conserver ses habitudes de vie. Les souvenirs de la seconde guerre mondiale ne sont pas loin.


Avant de porter une appréciation (personnelle) sur l’ouvrage il faut noter ceci : Notre île sombre souffre d’un malentendu, entretenu par le quatrième de couverture. Le livre de Priest n’est pas une fable anti-colonialiste, sinon à considérer qu’il manque sa cible. Une entreprise colonialiste suggère la mise en place d’un nouvel ordre politique et économique au profit du colonisateur. Il aurait fallu dévoiler le mécanisme de ce rouleau compresseur, révéler le visage des nouveaux maîtres et, pardonnez la caricature, montrer des Blancs dans un champ de coton. Or ici nous assistons à l’affrontement de bandes armées Afrim et nationalistes et non à une prise de pouvoir planifiée.


Notre île sombre renvoie plutôt aux guerres civiles interminables à l’œuvre dans le Proche Orient, en Ukraine, aux souffrances de populations sans cesse déplacées. C'est bien vu, mais sous cet angle, la métaphore Priestienne ne fonctionne pas ici.

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