J.G.
Ballard - Le jour de la création - Tristram
Parachuté par
l’Organisation Mondiale de la Santé dans un pays de l’ex Afrique équatoriale
Française, le docteur Mallory rêve de découvrir un nouveau Nil. Son dispensaire
vient de fermer, à moitié détruit par un conflit opposant des troupes
gouvernementales aux rebelles de Harare. Il compense son inactivité par des
recherches hydrologiques, une passion nouvelle qui masque en fait une dérive
mentale. Un jour en arrachant une
vieille souche d’arbre, il met à jour un ruisseau qui devient fleuve.
Mallory n’est pas le seul
paumé de la région. Sanger, un réalisateur de documentaires en quête d’un second
souffle débarque à Port-la-Nouvelle, accompagné d’un assistant indien, et d’une
photographe japonaise, La naissance du fleuve capte son attention ainsi que
celle du Capitaine Kagwa représentant du gouvernement. Le docteur n’entend pas
cependant se laisser déposséder de sa découverte et embarque à bord d’un cargo
rebaptisé Salammbô (tout un programme). Noon, une jeune et mystérieuse
adolescente transfuge de Harare le rejoint. Ensemble ils remontent le cours à
la recherche de sa véritable source.
Avec de telles prémisses,
le lecteur pouvait espérer un récit à la Conrad où à la Jim Thompson. Il n’en
est rien. Le jour de la création évoquerait plutôt Le monde englouti
du même Ballard, voir à la limite le Voyage au centre de la Terre de Jules Verne
pour l’aspect symbolique de la quête des origines. L’écrivain campe une fois de
plus un personnage de névrosé obsessionnel aux desseins contradictoires, hanté
par le rêve d’un Sahara vert tout autant que par l’idée de tuer sa création
fluviale. Le roman gravite autour de lui, tout comme les autres protagonistes entraînés par une giration des songes.
Le récit prend alors un
tour onirique où les paysages mentaux disputent à une géographie déjà
incertaine la pertinence de la description des lieux. Ballard use
magistralement de l’art de transfigurer la réalité. Le fleuve Mallory est le
fleuve de la création et du désir. Son cours puissant traverse des jardins
exotiques magnifiques avant de s’épuiser dans des marais. La langue de
l’écrivain est elle-même fleuve, en inspiration descriptive perpétuelle, dans
une fluidité continuelle.
Ce roman confortera dans
leur opinion les lecteurs qui estiment que l’auteur de Crash est plus à
l’aise dans la forme courte que longue. Les autres prendront le large dans ce
« bateau ivre » servi par une écriture incomparable.
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