Liu
Cixin - Le problème à trois corps - Actes Sud
Entre Premier contact
film tiré d’une nouvelle de Ted Chiang et les récentes traductions d’ouvrages
de David Brin et Liu Cixin, les rencontres de troisième type sont à la
mode en cette fin d'année. Dans leur effort de renouvellement d’une vieille
lune de la science-fiction, ces auteurs démontrent que l’apprentissage d’un
langage ne résout pas les problèmes de compréhension, et en profitent au
passage pour souligner la fondamentale étrangeté de tout être humain par
rapport à ses semblables. Les relations tendues entre scientifiques et
militaires ou entre savants et idéologues comme dans Le problème à trois
corps alimentent inlassablement ce constat.
Liu Cixin balaie tout
soupçon de truisme à cet égard en décrivant dans le fort premier chapitre de
son roman, le procès et la lapidation d’un physicien chinois accusé en pleine
Révolution Culturelle de propager la théorie réactionnaire du Big Bang.
Sa fille Ye Wenjie qui assiste à l’agonie de son père, conçoit alors une
profonde aversion pour le genre humain. Après un séjour dans un camp de
rééducation, ses compétences en sciences physiques lui valent une affectation
dans un observatoire astronomique perdu au fond de la Mongolie. A la faveur
de quelques travaux de recherche, elle va ourdir sa vengeance.
L’idéologie contre la
science, l’écrivain connaît. Né à Pékin en 1963 il puise dans son destin
personnel la matière de son œuvre : un père expédié dans une mine de charbon,
une enfance corsetée dans un uniforme de garde rouge et enfin la délivrance par
l’écriture à la faveur de la fin de l’interdiction de la littérature de science-fiction
en Chine. Comme Ken Liu, il arpente les chemins douloureux de la mémoire.
Un quatrième de
couverture un tantinet bavard rompt l’effet de surprise final. Liu Cixin avait
pourtant pris soin d’éparpiller les pièces du puzzle narratif. Les souffrances
d’une jeune scientifique dans les années 60, les lois de la physique quantique
qui foutent le camp à l’aube des années 2000, un jeu virtuel un peu bizarre … Tous les morceaux s’assemblent cependant
logiquement en fin de parcours, une belle réussite pour un texte de
hard-SF.
Le récit se déroule sur
deux époques. La seconde est dominée par Wang Miao, ingénieur en nanotechnologie.
Personnage falot, encadré par Shi Qiang, un commissaire de police malin, il n’
a pas la profondeur psychologique de Ye Wenjie. Mais il tente malgré tout de percer le mur du secret entretenu par tous les protagonistes. On ne communique pas beaucoup dans cette
histoire, y compris au sein de la communauté scientifique. Aussi l'intrigue progresse à
coup de résolutions d’ énigmes. On retrouve un mode de pensée qu’avait dépeint
Ken Liu dans « La ménagerie de papier ».
Le titre du roman renvoie
au casse-tête mathématique des équations de la mécanique Newtonienne appliquée
à N corps et que les participants du jeu virtuel « Les trois corps »
s’efforcent de résoudre. Il y a des trouvailles étonnantes, comme l’immense soldatesque
convoquée par l’empereur Quin réunie pour simuler le fonctionnement d’un
processeur à l’aide de drapeaux blancs et noirs. Un épisode sans doute inspiré
par la fameuse armée de terre cuite. La construction d’un fil moléculaire
renvoie à l’ascenseur spatial imaginé jadis par Arthur C Clarke. Une
proposition énigmatique lance le final : « une minuscule structure de haute dimension peut contenir une
immense structure de plus faible dimension ». Avançons en une autre toute
aussi inexplicable: il n’ y pas de
limite à la bêtise et à la douleur humaines.
Entre hard SF et souffrance
sociale Le problème à trois corps est
un livre passionnant, un peu lent en son milieu. Une bonne pioche pour Exofictions. On attend évidemment la
suite de la trilogie.
je crois qu'il y a une suite sortie 2018..Sais pas ce que ca vaut.
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