Guillaume Jan – Traîne-savane – Editions Intervalles
Voici quelques années, au Salon Nautique de Paris, un visiteur interpellait ainsi un globe-flotteur cher à mon cœur : « Alors Antoine, toujours à traîner dans le monde ? ». Déambuler, s’attarder sur cette Terre, chercher, débusquer un chemin, son chemin, au milieu des horreurs et des merveilles, accumuler les pas plutôt que les richesses quand elles ne viennent pas du cœur, tout cela se retrouve dans le sympathique ouvrage de Guillaume Jean, Traîne-savane.
Comme dans Le baobab de Stanley, son premier roman, l’auteur raconte une expédition au Congo. Il se place cette fois sous les auspices de David Livingstone, explorateur et missionnaire écossais que l’américain Stanley retrouva lors d’un épisode resté fameux.
Une jeune congolaise, dont tombe amoureux Guillaume, l’accompagne de Kinshasa à Oswhé, à la rencontre des derniers pygmées. La narration s’articule autour de leur périple et de ceux de Livingstone. On est loin ici des canopées ténébreuses décrites par Conrad. Inspiré par la biographie de Tim Jeal, - voyager ne suffit pas aux écrivains, qui emportent des livres de voyage - Guillaume Jan statufie l’explorateur britannique en Don Quichotte de la savane africaine. Attaché au continent noir et à ses habitants , doté d’une volonté de fer, Livingstone se révèle en revanche piètre organisateur et meneur d’homme, Il trouve la gloire lors de sa traversée de l’Afrique d’Ouest en Est, mais échoue dans ses projets ultérieurs. Son esprit s’enflamme à l’évocation de châteaux en Espagne. Un moment il caresse l’idée de transformer le Zambèse en voie navigable pour le commerce. Puis il envisage d’emprunter les pas de Burton et Speke à la recherche des sources du Nil. On enterrera ses restes en Grande-Bretagne, à l’exception de son cœur enfermé dans une boite de fer-blanc au pied d’un baobab. De leur côté, à peine arrivés, les deux amoureux doivent se séparer. Le romancier, quelques temps en exil à Paris - il faut bien gagner un peu d’argent – a laissé aussi son cœur au Congo. Il retrouvera cependant Bérangère à Kinshasa.
A l’image de toutes les aventures, les fins, même sous les tropiques sont un peu tristes. Tout voyage se nourrit des précédents et alimente les futurs. La route seule contente l’âme.
Les odyssées au Congo des âmes légères de David Livingstone ou Guillaume Jan peuvent paraître puériles au regard des souffrances inouïes subies par ce pays, depuis les exactions génocidaires de Léopold II jusqu’aux pillages insensés de Mobutu. Mais les Don Quichotte ne se laissent pas aussi facilement écraser par tous les Kurtz de la planète. Il suffit de lire les pages incroyables consacrées à Kinshasa. Dans cette métropole aux frontières de bric, de broc et d’ordure où la survie se réinvente chaque jour, l’espoir insinue fugitivement ses coulées d’or. Oui ce livre est bien sympathique.
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