Marcel Brion - Les Escales de
la Haute Nuit - Marabout
Biographe, romancier, nouvelliste, essayiste, critique, fondateur des Cahiers du Sud, Marcel Brion fut autant un passeur qu’un créateur d’imaginaires en particulier dans le domaine du fantastique dont il sera question ici. Quelques-uns de ses recueils sont encore disponibles principalement chez Albin-Michel. Cependant Les Escales de la Haute Nuit resteront à jamais immortalisées dans l’édition Marabout de 1971, un des fleurons d’une collection qui compta des textes de Marcel Bealu, Jean Ray, Claude Seignolle, Thomas Owen, avec en prime ici une magnifique illustration de couverture.
Ne nous leurrons pas, la littérature fantastique a vécu ou
presque au profit des descendants de Lovecraft et du roman horrifique. Pourquoi
s’étendre alors sur un ouvrage jamais réédité au sein d’un genre moribond ?
On répondra ceci, que l’on écrit autant pour les vivants que pour les fantômes.
Marcel Brion révélait dans ces escales sans doute inspirées d’Hoffmann,
une langue de très haute tenue. Les voici :
SOMMAIRE
2 - Le Maréchal de la Peur
3 - La Sonate du Feu
4 - Une Aventure de Voyage
5 - Les Eaux Mortes
6 - La Capitane
7 - L'Orgue de Verre
8 - La Rue Perdue
Quatre textes survolent les débats.
La nouvelle qui donne son titre au recueil raconte la mésaventure d’un voyageur à destination de Prague descendu d’un train de nuit dans une gare inconnue, plus par curiosité qu’autre chose.Un peu plus loin il découvre une étrange ville dont les
bâtiments se réduisent à de simples façades. Au-delà des portes d’entrées il n’y
a rien. L’hôtel proposé par le porteur de bagages présente un ascenseur
souterrain. Un couloir l’amène à une chambre sans fenêtre dont il s’enfuit. Il
erre sans but, rencontre des personnages inquiétants, traverse un bras de mer,
et finit par remonter dans son train avant d’être redébarqué contre son gré
dans une autre gare. Le récit s’achève abandonnant notre voyageur « éveillé,
seul dans ce wagon, regardé par cette lune épouvantée qui venait demander du
secours contre le garrot des nuages ». Parue en recueil en 1942, année
où fut entérinée la décision de la Solution finale, l’évocation de ce train de
nulle part aux destinations incertaines impressionne par sa puissance onirique,
anticipant involontairement d’innombrables et funestes déportations
ferroviaires.
Dans le même registre d’inquiétude, un homme est sorti de
son sommeil par un tumulte confus où se
mêlent des bruits de coups sourds, de
gémissements et de crécelles. L’incident se reproduisant il décide d’enquêter.
Sa maison est située au cœur d’un ancien quartier industriel. Explorant une
nuit des hangars et des entrepôts il finit par découvrir une lucarne donnant
sur « La Rue Perdue ». La voie, fréquentée par des personnes
furtives disparaissant au moindre frémissement, ne donne sur aucun accès
extérieur. Légende moyenâgeuse certes mais qui n’est pas sans évoquer les
ghettos des années 40.
Plus paisibles « Les Eaux Mortes » nous
transportent dans une zone portuaire déserte, un bassin désaffecté où un
voyageur en escale va promener ses pas en attendant de réembarquer.
Dans cet univers déliquescent, dont l’ambiance évoque
certains textes de Jean Ray, il croise Petersen, un individu qui semble
l’attendre de toute éternité.
Qui est donc ce Petersen avec lequel le héros semble
partager des souvenirs commune ? Un personnage d’un écrivain ou plus
simplement cet autre nous-même que nous avons abandonné sur la route de
l’existence avec ses rêves, ses projets ? Sur le thème du double Marcel
Brion avait rédigé là un texte de haute volée.
« La Capitane » n’a rien à envier à la plus
célèbre et chinoise des Nouvelles Orientales de Marguerite Yourcenar. Elle
témoigne de la lente gestation, du travail d’orfèvrerie d’écriture
caractéristique des meilleurs récits fantastiques. Ici ne sont points évoqués
les quatre éléments, ni des cités ou des jardins, mais une toile de peinture
accrochée dans un salon aux volets souvent clos, toile au sein de laquelle un
voilier à quai « La capitane » capte les rêveries d’un enfant :
Moins éblouissante dans la forme mais tout à fait
satisfaisante sur le fond « La Sonate du Feu » conte
les confessions d’un médiocre violoniste qui obtint le succès en agrémentant
l’exécution d’un inédit de Vivaldi d’une mise en scène bouffonne où des danseuses déguisées en diablotins se trémoussent au milieu de rubans rouges animés par des
ventilateurs. Un soir les danseuses et les accessoires manquent le train de la
représentation. Qu’importe ! Au premier coup d’archet surgissent flammes et
puissances infernales …
« L'Orgue de Verre » et son fantôme de
jardin royal où s’affrontent deux chanteurs ressuscités par la grâce d’un instrument
de musique m’a moins convaincu même en invoquant les mânes de Nerval ou d’Alain
Fournier, et ce en dépit de passages remarquables :
« Cet instrument étonnait par sa singularité au milieu des violons familiers et des clavecins sans énigmes qui remplissent le pavillon. Un silence fait de toutes ces âmes sonores ramenées vers elles-mêmes et se consultant dans leur mutité prolongeait, entre ces murs verts ornés de stucs dorés, l'esprit d’un orchestre qui aurait fini par se taire, faute d’auditeurs, mais qui conserverait toute sa vertu de résurrection jusqu'au jour où une main lèverait la baguette, rendant leur vie multiforme aux archets et aux claviers.
« Une Aventure de Voyage » sorte
d’excursion en Enfer indiffère. Par contre « Le Maréchal de la Peur »
passe à côté de son sujet. Un spectateur assiste à la lisière d’un bois à l’affrontement
de deux armées. Il côtoie successivement un soldat et un maréchal défaits et c’est
tout. L’idée d’un soldat immortel acteur des grandes bataille de l’histoire
pouvait tout de même donner autre chose.
Les Escales de la Haute Nuit méritent de sortir de l’oubli.
Peut être à l’occasion d’un recueil réunissant les meilleures nouvelles de ce
volume et d’autres publiées chez Albin-Michel ?


Hans Bellmer après avoir assisté à une représentation d'un conte d'Hoffmann présentant la poupée Coppélia, créa vers 1932 sa fameuse poupée dont les jointures en boules lui permettent d'adopter les positions les plus extravagantes. Puis obsessionnelle ment, il la prit en photos. Certaines de ces photos parurent dans la revue surréaliste Le Minotaure. La six.
RépondreSupprimerDécouvrant la couverture de ce livre de Marcel Brion, splendide, je n'ai pu m'empêcher de penser à la poupée de Bellmer. Étrange étrangeté, imaginaire et fantasmes.
Je vais attendre quelques jours pour le lire. J'ai réussi à trouver une vieille édition du livre de poche Marabout avec cette couverture. Le plaisir sera double. Le billet de Soleil vert annonce bien du plaisir.
Des voleurs, ce matin, à l'aide d'une nacelle ont escaladé le balcon puis pénétré dans la galerie Apollon, fracturé deux vitrines et se sont enfuis en scooter avec quelques trésors du musée du Louvre. Des bijoux des femmes aimées de Napoléon On croirait une nouvelle de ce monde fantastique. Belphégor et les cambrioleurs...
Bien du plaisir et de l'inquiétude car je découvre lisant la présentation de Soleil vert, Prague, des trains qui partent vers des destinations inconnues. Il y a une continuité d'un billet à l'autre, d'un écrivain à un autre. Tout cela me passionne.
SupprimerEn attendant l'arrivée de ce livre, j'ai replongé dans les contes de Terremer d'Ursula Le Guin. Dans son introduction elle dit son combat contre des illustrations banalisant son univers par des stéréotypes ( les dragons...). Je comprends cela de même que je repère dans cette couverture choisie par Soleil vert pour les nouvelles de Marcel Brion une œuvre.
La deuxième photo illustrant le billet (dos du livre) présente un complément de la première photo. Ces façades de maison étranges. Le texte aux caractères très petits est difficile à lire...
SupprimerTexte du blog, Times Roman 12 comme d'habitude. Texte de l'image, il faut cliquer sur l'image. BAV
RépondreSupprimerÇa a marché ! J'ai cliqué, j'ai pu lire et scruter encore plus l'illustration. Décor de cinéma ? Maquette ? Maison sans profondeur. ..
SupprimerMerci, Soleil vert.
(La poupée de Bellmer est au musée d'Art moderne )...
Dans le billet ces détails sont donnés correspondant à la nouvelle qui donne son titre au recueil et raconte la mésaventure d’un voyageur à destination de Prague descendu d’un train de nuit dans une gare inconnue (...)
SupprimerUn peu plus loin il découvre une étrange ville dont les bâtiments sont réduits à une simple façade. Au-delà des portes d’entrées il n’y a rien."
Cette couverture prend toute sa signification. Pas encore pour la poupée...
Mais Napoléon vola pour remplir le Louvre parait-il .
RépondreSupprimerPas de moi , cette infamie attribuée à L’Empereur. De plus, il ne volait pas les bijoux des Couronnes, lui!
SupprimerLes extraits offerts par Soleil vert sont écrits remarquablement. Quel styliste ce Marcel Brion et que de mystères à découvrir dans ces histoires...
RépondreSupprimer"éveillé, seul dans ce wagon, regardé par cette lune épouvantée qui venait demander du secours contre le garrot des nuages »...
La poupée de Hans Bellmer "peut être considérée comme un ultime avatar des mannequins, automates et robots produits en grande série dans l’Allemagne dévastée du tournant de la Grande Guerre, elle dépasse l’esprit de dérision et de satire sociale qui commandait cette vogue d’esprit dadaïste : à usage privé, répondant à une pulsion subjective (une nostalgie de l’enfance et de ses jeux, un abandon définitif à l’imagination érotique), elle est, au-delà de l’esprit de révolte contre l’ordre nazi qui l’a commandée, avant tout œuvre de mélancolie et d’« inquiétante étrangeté », mêlant pulsion du désir et pulsion de mort, merveilleux et cruauté, quotidienneté et invraisemblance, comme le faisait la poupée Olimpia du conte d’Hoffmann (L’Homme au sable, 1817) qui marqua tant Bellmer. " ( Centre Pompidou)
RépondreSupprimerÉtrange ces croisements avec certaines nouvelles de Brion dix ans plus tard...
Dans L'homme de sable ( conte d'Hoffmann) Olympia (ou Olimpia dans certaines éditions), fille de Spalanzani qui se révèle être un automate créé par le physicien.
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SupprimerBrion, francisation de O Brien, maîtrisait sept.langues. J’ai dit autrefois je ne sais plus où le bien que je pensais de ce recueil édité à Marseille en 1942 pour l’E.o. Je crois qu’il lui fallait écrire ce Maréchal de la Peur. Qui sonne commme un désaveu sanglant de la propagande de Vichy…
RépondreSupprimerAutrement, parlez Solutiôn finale si vous voulez, bien que ça entre pas une seconde dans la perspective de Brion!
de
Olympia figure aussi. Dans les Contes d’ Hoffmann, d’Offenbach, qui en a assuré la diffusion. Coppelia ) même idée) est un Ballet de Delibes d’après Hoffmann, et porte le même message…Bellmer a du voir soit l’un, soit l’autre!
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SupprimerPourquoi des » confessions involontaires »? L’adjectif surprend dans un ouvrage explicitement conçu comme l’envers de l’Offenbachiade. Déjà dans Olympia le chœur « Elle a de très beaux yeux? Etc » sonne comme une parodie de parodie. Et cela montera jusqu’ à Antonia, acte très macabre s’il en fut, le Docteur Miracle mobilisant la voix de la mère d’Antonia pour la faîre chanter dans une sorte de valse triste en trio.. Or elle doit mourir si elle chante…MC
SupprimerQuelque part, dans une boîte en carton, contenant cette vieille édition du Marabout , "Les Escales de la Haute nuit", de Marcel Brion, voyage vers ma boîte aux lettres.
RépondreSupprimerEn attendant, j'ai ouvert sur internet les liens réservés à cet écrivain, sa biographie, ses livres. Très étonnant, un homme aux multiples talents, érudit, passionné par le romantisme allemand , l'art du quatrocento et, ce qui nous rapproche de ce livre : la littérature du fantastique.
Soleil vert , sur internet, est le seul à donner un aperçu précis de ces huit nouvelles des "Escales de la Haute nuit", présentation et larges extraits permettant de savourer cette belle écriture poétique et précise.
Il semble que par ce recueil nous entrons dans un monde où des êtres perdus dans un voyage incertain découvrent un univers ressemblant au réel tout en s'écartant de ce qui est attendu. Une sorte de réel rêvé où tout est manipulé : les objets, les paysages, 'es êtres. La poupée de Hans Bellmer y a toute sa place, porteuse de fantastique comme l'était pour Hoffmann et Offenbach le monde des automates.
Ce qui semble être la marque du fantastique de Marcel Brion serait à chercher en soi. Un regard qui hésite entre un monde inconscient intérieur et le monde extérieur parfois illisible, bouleversé par l'Histoire fracassant de ses ombres et terreurs une aspiration douce au bonheur.
Peut-être que cet homme de si grande culture a trouvé cet équilibre en partageant ses grandes curiosités intellectuelles entre ses recherches aboutissant à des biographies, des essais et ce monde secret de l'écriture du fantastique.
Il semble avoir grandi dans un monde où la culture, les voyages, les musées, les livres étaient présents et offerts dans un climat de paix familiale.
Mais il avait un regard sur l'actualité du monde qui certainement revient dans ces gares, ces trains, ces aiguillages, ces maisons inhabitées, ces rivages désertés par la mer.
Ce sera bien de recevoir cette boîte, de l'ouvrir, de tenir dans les mains ce livre, de regarder encore et encore la splendide couverture, de découvrir qui l'a créée, puis enfin, de lire ces nouvelles et peut-être de céder à l'envie de vous en parler, ici.
Merci pour la découverte de cet auteur, dont le nom ne m’évoquait qu’un rond-point . Merci.
RépondreSupprimerMini-correction : répétition de mot "désaffecté."
RépondreSupprimerEt merci... pour le remerciement.SV
En fait, hormis peut-être Rococo, tout Brion est à lire à partir du Pré du Grand Songe, jusqu’aux romans incluant souvent du fantastique. Je l’ai fait, et ne l’ai pas regretté. Il y eut aussi le . Souvenir de discussions passionnees avec la libraire de l’ Abécédaire, aussi folle de cet auteur! Et puis il reste ses livres sur la Musique et Vienne, même s’il est permis d’en préférer d’autres…Ici , Brion est le seul à être classé dans un meuble voué par ailleurs aux CD et aux Classiques majoritairement viennois, , et je crois que ça signifie quelque chose…. MC
RépondreSupprimerOui, certainement un homme qui sort des classifications habituelles en matière d'écriture, de culture. Cela va être la première fois que je le lis. J'ai choisi un livre papier et dans cette édition dont parle Soleil vert. Un vrai livre dont on tourne les pages, que l'on pose près de soi. Un livre qui sera dans ma bibliothèque Je suis heureuse que ce soit Soleil vert qui soit à l'origine de cette découverte
RépondreSupprimerD’autant que les Brion sont les romans! La musicologie est à Paris, n’ayant pas été encore lue!
RépondreSupprimerChristiane, hors Marabout, l’édition antérieure est de 1942! Je l’ai trouvée un jour que je ne la cherchais pas!
RépondreSupprimerFormidable ! Mais a-t-elle la couverture de Marabout ? Celle qui est donnée avec le billet ?
SupprimerIl y a aussi Sibylla Van Loon, qui a marqué une époque dans mon regard sur la peinture flamande. C’est une novella fantastique…La, des rééditions assez récentes.
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SupprimerNon, elle ne l’a pas. Nous sommes en 1942. Déjà faire paraître le Mrechal de la Peur en zone libre, c’est très bien! C’est pourquoi j’ai gardé la Marabout!
RépondreSupprimerAh ça je comprends. Cette couverture m'intrigue. Elle me donne envie d'écrire ou de dessiner....
SupprimerAh Sybilla Van Loon….
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SupprimerL'édition Marabout date de 1971. SV
RépondreSupprimerMerci, SV. Je me réjouis d'en avoir trouvé un exemplaire. Je regarderai la date d'impression.
RépondreSupprimer"l'édition Marabout date de 1971" et donc correction du 1er paragraphe.Noosfere ne donne pas d'aperçu de l'édition de 1942 même s'il mentionne la date. SV
RépondreSupprimerÇa ne m’étonne pas, SV, car Marseille, Zonr Libre, Les Cahiers du Sud, (?)1942, c’est vraiment rare! Et j’ai l’impression que Brion a joué sur cette rareté. Vu la place qu’il occupait dans le fantastique des années 1970, on pouvait croire que l’ouvrage était plus tardif….
SupprimerLivre reçu. (1971) Le dossier Marabout signé Léon Thoorens est très intéressant.
RépondreSupprimer"Ce sont les cadres, les décors d'histoires lancinantes comme des musiques nocturnes, que nous file un conteur affable et souriant, disert et distingué, qui mène son récit comme un grand joueur mène une partie d'échecs, étonnamment maître des mots et des images par lesquels il nous tient sous le charme, et dans la voix duquel passe parfois comme un voile de tristesse - ou de désespoir contenu avec élégance. On peut l'imaginer : il est assis dans un grand fauteuil tendu de tapisserie délavée par le temps, dans un bureau aux murs couverts de livres, de peintures et de gravures (...) Tous les récits qu'il fait sont de voyage.
Le raisonnable - " une certaine habitude qu'ont les hommes d'imaginer le vraisemblable ", dit-il - affleure aussi, de temps à autre (...)
Car il y a une Haute Nuit comme il y a une Haute Mer (...) Car les dormeurs demeurent toujours à la surface de la nuit, à moins qu'un grand remous de rêves les noie parmi les algues des abimes."
"Les Escales de la Haute Nuit" est un livre de poésie, où le fantastique naît de la réalité..."
Six pages de pur bonheur.
Commentaire ci-dessus de christiane
SupprimerPuissance des premières lignes de la première nouvelle.
RépondreSupprimer"Le train s'arrêta avec un bruit mou. Les rails frissonnaient sous la pluie en susurrant doucement. Et puis, soudain, la pluie cessa. Un œil vert cligna, une fois, deux fois, s'éteignit. Les freins s'étirèrent, amèrement. Une odeur de suie et de boue entra dans le compartiment.
Je n'ai jamais su comment s'appelait cette ville."
On dirait non un train mais un félin...
Et page suivante, l'impression se confirme :
Supprimer"Je marchais parmi les grandes machines paisibles qui pâturaient dans la nuit, et j'entendais leur souffle calme de bêtes repues.."
Toujours dans le dossier de Thoorens :
RépondreSupprimer"Parmi les soixante volumes qu'il publia depuis 1927, on note une "Vie d'Attila ", un "Laurent le Magnifique", un "Machiavel", un "Savonarole", un "Breughel", un "Bosch", un "Rembrandt " ; une dizaine de romans comme "Le Chateau d'ombre " et "La Folie Céladon" ; des essais sur "Schumann " et "Mozart", sur l'"Art abstrait, l'Art fantastique", l'Art romantique, l' Allemagne romantique".
Ces quelques titres indiquent peut-être que le vagabondage de Marcel Brion a sa logique, et son éclectisme des lignes de force. Il aime les destins colorés, les violences créatrices, les audaces fécondes. Il aime les zones frontières aussi : les époques faisant charnières dans l'histoire ; les combats(...) les dialogues, entre la réalité mathématique et les intuitions délirantes."
Et au milieu de cette analyse un portrait. Visage doux, souriant, pensif, cheveux blancs soigneusement peignés. Un beau visage. Soixante-dix ans ?
Ah voilà donc la poupée ...
RépondreSupprimer"La petite fille ne répondait pas à mes questions. (...) Les mots coulaient autour d'elle avec la même indifférence que la lumière des étoiles. Elle portait dans ses bras, avec de grandes précautions maternelles, une poupée enveloppée dans un morceau d'étoffe...."
Superbe cette première nouvelle... Insolite couple que l'enfant boiteuse et la poupée. Comme le voyageur on navigue dans un rêve, dans un train, sur la mer, dans une barque et puis , pffft... Tout disparaît. Magnifique. Fantastique.
RépondreSupprimerCette poupée rappelle l'automate de L'homme de sable de Hoffmann. Cette Olympia que j'ai vu à l'Opéra Bastille tournicotant puis s'arrêtant , attendant qu'on la remonte et lançant ce chant aigu qui ensorcelle.
SupprimerLà, dans le conte de Brion, la petite fille boiteuse et silencieuse la jette dans la mer et quand la poupée remonte à la surface, elle tourne autour de la barque tantôt jeune fille tantôt monstre marin aux cheveux d'algues pendant que la fillette devenue ondine meurt d'épuisement après s'être lancée aussi à la mer. Troublant passage où tour à tour des êtres inertes deviennent vivants, d'autres, vivants, meurent. Le train continue sa route infernale traversant la nuit.
La solution finale, peut-être ... mais aussi un fantastique animé par une poupée diabolique . Sur la couverture, elle semble marcher, courir même, échevelée mais le crâne fracassé comme dans les contes d'Hoffmann.
Toute l'atmosphère concourt à cette étrangeté à commencer par ce train fou, animal, dévorant la nuit. 1942...
J’ose à peine insister devant ce péremptoire « n’existe pas avec un prénom pareil » Mais si, je puis vous garantir que Sybilla Van Loon existe avec ce prénom comme titre éponyme.. Et que vous ne regardez plus jamais un tableau flamand de la même manière après l’avoir lue! Laissez tomber Attila et autres Théodora .Il y a la dedans de la compilation et de la feuille d’impôt à payer! MC
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerLe Brion « historique » qui commit bien un Attila, entre autres, pour payer ses impôts, disent de mauvaises langues, mais bien informees
SupprimerSibylla Van Loon assez récente édition posthume chez Albin Michel, je crois
SupprimerEn passant : je ne sais pas si je peux me permettre une impression/réaction quelque peu dissonante… Impression/réaction peut-être injuste, peut-être liée à la situation particulière de lecture : je découvre des extraits, dont je ne sais pas dans quelle mesure ils sont représentatifs des procédés d'écriture de l'ensemble, et je ne suis pas "plongée" dans le livre, emportée par le déroulement des histoires (ce qui a pour effet de diminuer la vigilance de l'esprit critique, l'attention aux détails du "comment c'est fait").
RépondreSupprimerCe qui me frappe, c'est le recours insistant (voire systématique) à la personnification (parler d'un inanimé en utilisant des termes convenant à un animé, humain ou animal) et plus précisément (ou le plus souvent ?) à ce que Ruskin appelait "pathetic fallacy" : on prête des émotions, une volonté à des choses ou l'on projette, transfère aux objets ce qui appartient à l'état d'esprit de l'observateur.
Je précise qu'il ne s'agit pas du tout d'une exigence de "pureté", de sobriété (impossibles), que je ne traque pas la personnification par principe ; je n'ai rien contre l'utilisation des figures de style (sinon je ne pourrais plus rien lire, ni m'exprimer spontanément, elles sont partout). Je ne suis pas non plus habitée par la peur d'être dupe ni la hantise d'être trop bon public, je m'enthousiasme souvent et il arrive que ce soit pour des romans dont telle ou telle caractéristique rebute au contraire certains d'entre vous… Simplement : ici, la densité de personnification m'a frappée dans les échantillons fournis, lesquels m'ont donné l'impression que l'effet fantastique ou fantastico-poétique était obtenu à bon compte. D'autres éléments des textes (situations, péripéties, ambiguïtés savamment entretenues, que sais-je ?) y concourent peut-être ?
e.g.
Ici, enfin moi, je ne résiste pas a la belle écriture,quelque soit le genre litteraire . C'est ce que ces extraits tentent de mettre en valeur, au détriment de l'intrigue. Quant au fameux "objets inanimés avez vous une âme " c'est la clef de voute du fantastique,voir de l'horreur et pas seulement une figure de rhétorique. Des alienistes y verront un symptôme pathologique.En tout cas merci de votre intervention.SV
RépondreSupprimerJe crois que nous sommes deux. P. E à propos de Brion, m’avait mis en garde contre le « danger de la belle écriture ». J’ai failli lui demander s’il préférait la mauvaise….
SupprimerMC
SupprimerDe plus en plus étonnant ce voyage onirique.
RépondreSupprimer" - Il faut descendre, dit l'homme, le train ne va pas plus loin.
Je protestai, affirmant que j'allais à Prague et que je ne voulais pas m'arrêter dans cette lande déserte, mais l'homme répétait que j'aurais dû prendre un autre train alors, que celui-ci était au bout de sa course. Je me penchai à la portière pour regarder si les autres voyageurs descendaient aussi ; il me semblait qu'à l'exception des employés, nous étions seuls dans le train."
e.g : la personnification systématique est peut être ici une "poétique " sv
RépondreSupprimerPas mal vu, SV, mais il faudrait que je m’y replonge globalement! MC
SupprimerCes histoires sont courtes, une trentaine de pages, chacune. Elles ont en commun les aventures d'un voyageur en ses escales étranges. Elles commencent et se terminent comme s'il manquait un début et une fin. Des rencontres énigmatiques sans rapport semble-t-il les unes avec les autres. Ce qui les lie ? Un certain ton, une atmosphère non édulcorée. Le fantastique, ici, ne craint pas les parages de la mort. J'ai relu la première qui donne son titre au livre et semble avoir inspiré la couverture sauf un détail. La poupée représentée est très abîmée et a le crâne fracassé.
RépondreSupprimerDans la première histoire, un personnage disparaît dans la mer : la petite fille du début. Nageant elle a subi comme la poupée une radicale métamorphose liant beauté et incandescence. Les deux se retrouveront dans le train avec une apparence morbide. Mortes.
Le voyageur se retrouve seul. On ne sait s'il change de train mais on le retrouve ailleurs dans les autres histoires. Enfin il me semble que c'est lui qui toujours raconte à la première personne du singulier ses rencontres éphémères, ses escales.
L'ensemble du livre m'évoque beaucoup Alice au pays des merveilles, découvrant en son voyage d'étranges personnages, d'étranges paysages.
Ce livre me fait penser aussi à notre vie nocturne quand nous rêvons. nous sommes aussi présents dans nos rêves, acteurs ou observateurs, enchantés ou effrayés, y faisant des rencontres qui parfois évoquent des êtres connus, parfois non.
Le mot intérieur revient souvent dans le livre comme si ce voyage fantastique était à la fois extérieur et intérieur, comme si les fantasmes du voyageur s'y inscrivaient.
Je n'ai pas compris dans ce livre "Le maréchal de la peur". Le seul souvenir qu'il m'en reste : ce miroir où le corps du maréchal de la peur n'est pas reflété et une sorte de débandade des soldats.
RépondreSupprimerAllusion transparente à Petain, à ce qu’il fut, à ce qu’il est . 1942….
SupprimerEt fort osée, car c’est le dernier Maréchal en vie, et ici, il liquide l’armée! On est plus dans les fantasmes Brionesques que dans le fantastique… MC
SupprimerLe dernier Maréchal de 1914-18, bien sûr! MC
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerSV, il me semble que le choix et la variété (ou non) des figures de style font aussi partie de l'écriture — autant que les sonorités, les rythmes, les particularités du lexique et de la syntaxe, la fluidité de la prose ou son martellement hypnotique, toutes choses qu'il n'est pas nécessaire d'analyser, de "décortiquer" ni même d'identifier pour en éprouver les effets.
RépondreSupprimerJe faisais part d'une déception (que j'ai cherché à m'expliquer), je ne formulais pas un jugement à partir de quelques échantillons, lus (je le répète) dans des conditions qui ne sont pas celles de la lecture normale, suivie. Je ne prétendais pas non plus imposer mon opinion.
En ce qui concerne la beauté, celle de l'écriture comme les autres, il y a sans doute une grande part de subjectivité, de critères personnels… C'est bien pourquoi je ne crois pas que nos divergences soient dues à une indifférence (de ma part) à LA beauté de l'écriture (qui resterait à définir) ou à une confusion (de ma part) entre celle-ci et d'autres caractéristiques (plus "techniques" qu'esthétiques ???).
Au contraire, je dirais même (comble de la maladresse ici, mais certainement pas envie de blesser ou d'agresser) que c'est justement les expériences malheureuses (je suis peut-être mal tombée) d'une trop fréquente absence de beauté — et/ou d'inventivité et/ou de justesse — de l'écriture (à mes yeux) que j'aurais tendance à invoquer pour expliquer mon éloignement de la littérature dite "de genre". Ni l'intérêt (la pertinence morale ou philosophique ou l'originalité ou l'actualité brûlante des thèmes abordés), ni les éventuelles ingéniosité de la composition, imagination déployée, virtuosité dans le maniement du suspense ou l'efficacité de la satire ne suffisent tout à fait (pour moi) à compenser.
Dans le cas de Marcel Brion, les extraits présentés ne m'ont pas convaincue sur le plan de l'écriture, j'ai eu l'impression de retrouver toujours la même "ficelle", le même procédé, utilisé sans mesure ; les images du lévrier, de l'otarie, du monstre marin, ça fait beaucoup dans un seul paragraphe ; les étoiles "humiliées" — je comprends l'idée — qui "reculaient", la locomotive qui s'essouffle et même le doigt ne me dérangeraient probablement pas si je les rencontrais isolément, dans des phrases moins saturées ; la "GRotte GRondante" en plus… Même impatience avec le deuxième paragraphe cité des "Eaux mortes" : "cognant de l'épaule malicieusement" ? la naïveté du sable ? Trop c'est trop, l'accumulation de métaphores personnifiantes provoque une cacophonie ; oui, la charpente des navires évoque une cage thoracique, mais l'arrogance, appelée par "bomb[er], immédiatement juxtaposée à la métaphore hospitalière, de sens "émotionnel" inverse, (pansements/malades), puis les chaînes qui "racontent ", comme si cela ne suffisait pas on y ajoute "l'appel" des barques… J'arrête là mon relevé, mais le cirque, en effet, ne s'arrête pas : pas une phrase sobre.
e.g.
Quant à Haydn, ni "caprice" ni bizarrerie — une revendication sous une forme humoristique. Suis-je la seule à trouver la fin du paragraphe grandiloquente ?
RépondreSupprimerFinalement, ces passages m'ont bel et bien mise en rogne, beaucoup plus que je ne le croyais ! Ce n'est pas grave, d'autant moins que j'ai la possibilité de le dire.
e.g.
Ce qui me frappe dans ces nouvelles de Marcel Brion c'est que ça fonctionne. Quand on est immergé dans le fil de la lecture on a du mal à repérer à quel moment un détail nous fait basculer dans le fantastique. Ça continue à ressembler au réel et nous ne sommes plus dans le réel. Comme dans un tableau de Magritte. C'est alors la raison qui devient instable. Puis on se sait dans l'imaginaire mais là, marcel Brion entre dans des scènes tellement réalistes qu'on a bien du mal à se souvenir que l'on est dans l'imaginaire. C'est un tissage, un entremêlement qu'il est impossible de juger par des extraits. Une sorte de puzzle qui ne prend sens qu'avec la bonne place de chaque fragment d'image dans l'image originelle. Troublant encore cette lenteur dans les mouvements, des scènes presque statiques réveillées soudain par le langage, une remarque anodine en apparence.
RépondreSupprimerIl faut d'abord lire une nouvelle, entièrement, voire la relire, avant de la juger témérairement.
C'est parfois ce que je reprochais, au collège, quand le Lagarde et Michard nous proposait un extrait de roman, jamais une oeuvre complète. Malgré le résumé il y avait un manque terrible que seule la lecture exhaustive du roman me donnait, par son rythme, son style, sa musique, sa ou ses modulations, le temps étalé patiemment de chapitre en chapitre. Le temps de s'habituer à la façon d'écrire du romancier.
Ici, Marcel Brion est le maître du mystère, d'un mystère puissant, inexplicable qui enserre vos pensées dans l'attente d'une suite qu'il nous dérobera à la fin.
Soleil vert, pour moi, c'est une grande découverte. En plein cœur du fantastique. Merci.
Vous ne vous rappelez pas de cet histoire de tapis magique et brionesque postée chez Paul Edel, Christiane? Le titre ne me revient pas, mais le texte était beau, hors de ceux cités ici…. MC
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SupprimerOlympia l’entraîne dans une valse , mais en aucun cas une Barcarolle. La Barcarolle a migré au début de l’Acte de Giulietta, , la Courtisane, si j’ose dire….
SupprimerVous mélangez tout. Ce sont des souvenirs distincts . La frêle Olympia n'a rien de la cantatrice volumineuse qui à la fin entonne la Barcarolle.
SupprimerTrois femmes aimées sont évoquées dans cette reprise par Offenbach des contes d'Hoffmann.
https://www.emmanuellemorin.com/editions-originales/1107-sibillavanloon.html
RépondreSupprimerhttps://www.revue-textimage.com/06_image_recit/martineau1.html
RépondreSupprimerC'est donc une oeuvre de Marcel Brion pas un auteur !
Dans cette nouvelle, Sibilla van Loon, le narrateur se trouve devant un tableau quand , venant du tableau, dans un reflet, une petite fille vient à sa rencontre....
RépondreSupprimerChez les Van Loon, j'avais trouvé un peintre, un journaliste et un historien mais pas de femme écrivain ou historienne dartportant le prénom de Sibylla.
RépondreSupprimerCette histoire est très drôle. Vous évoquiez une nouvelle de Marcel Brion.... quand je cherchais un auteur !
Il n’y avait que vous pour faire des recherches sur les Van Loon, alors que je parlais de Brion! Très drôle, très drôle, ça dépend de quel côté du tableau vous êtes! MC
SupprimerEh oui, j'étais partie dans une recherche qui m'éloignait de Marcel Brion.
SupprimerAvec vous c'était possible car souvent vous ouvrez à d'autres lectures. C'est pour cela que comble de drôlerie je vous demandais le titre !
"...De quel côté du tableau je suis..."
SupprimerEh bien comme l'infortuné narrateur, à trop me pencher sur la vitre qui protège le tableau, il est fort possible en effet que j'aie changer d'univers. Lui se trouve dans une maison hollandaise cossue où cette fascinante Sibilla van Loon joue du virginal en chantant d'une voix suave quelque mélodie anglaise. Une petite fille espiègle a traversé le tableau comme dans La relevé de la garde. Cette fois-ci elle ne tient pas un poulet mais un hochet puis elle disparaît avec son chien. Je sors de la maison et marche dans cette ville inconnue... Amsterdam ? me mêlant à la foule et cherchant d'autres Van Loon avec l'aide de la fillette.. Le Rilskmuseum est déjà loin .. Dans la maison, un vieil homme chenu est mort entouré de coquillages. Ah, les espaces de la peinture hollandaise du XVII e siècle sont tout à fait envoûtants. J'entends encore la voix mélodieuse de Sibilla van Loon....
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Ronde_de_nuit#:~:text=La%20Ronde%20de%20nuit%20(en,du%20Rijksmuseum%20Amsterdam%20depuis%201808.
SupprimerJe viens de lire Les eaux mortes. Quel récit poisseux. Étrange escale. Étrange rendez-vous. Étrange mort...
RépondreSupprimerDes spectacles disparates comme les combats de chats. Mais surtout cet affrontement entre le narrateur et Petersen.
Ils se connaissent, ont une relation sadomasochiste faite d'attirance et de répulsion, de domination et de consentement.
La mort absurde à la fin m'a évoqué une nouvelle de Camus écrite en 1942 : L'Etranger. "Aujourd'hui , maman est morte..."Un homme s'aperçoit qu'il a été étranger à la vie. Un homme qui exprime des idées proches de l'absurde, qui incarne l'absurde.
L'absurde n'est-il pas la grâce des gens qui sont fatigués comme l'écrivait le sombre Baudelaire ? Un homme à qui tout est étranger dans la ville où il s'éveille.
Meursault ne sait pas pourquoi il tue l'homme sur la plage. Il reste indifférent à ce meutre, au procès, au monde. Petersen sait-il pourquoi il provoque cet homme jusqu'à la rixe sanglante ?
Est-ce une sorte de conte moral comme L'Etranger ?
Peterson est-il le double du narrateur ? Ils ne se mentent pas l'un à l'autre.
Le fantastique se cache ici dans la logique de l'absurde. Encore une fois, Marcel Brion trouve un style parfaitement adapté au sujet. Influence de Kafka, de Baudelaire, de Camus ?
Le lieu me rappelle la derniere image du film Le Crabe-Tambour et le dialogue, cette interrogation : qu'as tu fait de ton talent ? SV
RépondreSupprimerTrès grand film que j'ai revu hier au soir. Oui, un lieu sans lieu. Le rappel de la parole donnée et celui de la lâcheté ou du courage devant la mort annoncée... Quelle beauté que cette étrave fendant les vagues rugissantes ou le mol bercement de la jonque sur les eaux mortes.. Le crabe tambour....
SupprimerPar contre Petersen renvoie au thème du double.On en trouve une illustration ds la nouvelle William Wilson d'Edgar Poe.Camus est postérieur
RépondreSupprimerSV
Très mystérieux... comme le portrait de Dorian Gray...
SupprimerOscar Wilde dans ce roman fantastique crée un personnage, Dorian, qui désire que son double dans le tableau subisse l'usure du temps plutôt que lui. Son double vieillira et s'enlaidira et lui restera d'une incroyable jeunesse et beauté.
RépondreSupprimerIl y a un peu de cette rivalité trouble entre Petersen et le narrateur. D'une négation de Dieu ( comme dans Le crabe-tambour)
Pour Camus, c'est en 1942 que son roman parut, oui , c'est plus tard mais qu'elle similitude avec cette indifférence devant la mort de l'autre...
Sybilla Van Loon,lue dans Les cahiers du Sud, pour mémoire fondés par Jean Ballard.
RépondreSupprimerMerci encore à tous et à toutes.
Eh bien, j'ai bien envie de lire cette fiction ! Merci.
SupprimerEn remerciement cet extrait, au tout début du conte :
RépondreSupprimer"Un impossible souvenir me dit que Sibilla van Loon chantait cela, mais comment est-ce possible, puisque je n'ai jamais connu de femme s'appelant Sibilla van Loon ?
Ah ! cette voix grave et douce de Sibilla van Loon, je m'en souviens encore aujourd'hui, quoique je doute de l'avoir jamais entendue. Il y avait une ardeur sombre dans son timbre, qui venait peut-être d'une certaine ascendance espagnole, et quand je regardais son teint pâle, ses cheveux noirs bougeant en lourdes boucles, tandis qu'elle penchait la tête sur le clavier du virginal, je m'étonnais de sa présence dans cette maison et de l'âme nouvelle qu'elle y avait apportée.
Cette maison, j'y étais venu bien souvent, mais elle restait toujours mystérieuse pour moi. Aujourd'hui encore, cette odeur de vaisseau qui traîne dans le vestibule, ces bougements de reflets d'eau sur les murs, cette instabilité enfin que je sens dans le plancher qui tremble (...) Je sais que les reflets de vagues dansantes viennent du canal dont une lente péniche a dérangé la paix, je sais que des commis affairés roulent sans cesse des tonneaux d'épices dans les pièces du sous-sol, qui servent d'entrepôt, mais je ne voudrais pas détruire, cependant, cette impression exquise et troublante que j'ai de voguer en haute mer, parmi les cargaisons de poivre et de coriandre. (...) La maison m'a aspiré. Elle me tient, elle me garde, elle m'enveloppe de ses odeurs imprécises, de ses bruits inexplicables. (...)
J'entends tinter les grelots d'argent à la ceinture de la petite fille et le piétinement mou d'un grand chien. Je voudrais oublier tout le passé betvtout l'avenir pour ne plus retenir que la paix intense et capiteuse de ce moment, baignant aux frontières du rêve."
Marcel Brion - Contes fantastiques.
Bibliothèque Albin Michel.
Le conte est dédié à H. von H. (In mémorial H. von H.)
Est-ce Hofmannsthal qu'il admirait ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Virginal
Supprimerhttps://histoiredevoirsite.wordpress.com/2017/02/28/ceci-nest-pas-un-virginal-mais-un/
Supprimer"Pour Camus, c'est en 1942 que son roman parut"
RépondreSupprimerAutant pour moi, je me suis trompé.SV
Je fais une pause pour lire ce si beau conte de Marcel Brion, Sibilla van Loon.
SupprimerJe l'ai lue. Elle irait bien dans cet autre livre de Marcel Brion que vous présentez. C'est aussi une nouvela, un conte fantastique où un promeneur imprudent entre dans un tableau hollandais du XVIIe siècle et se retrouve prisonnier du Rijksmuseum errant dans une ville peinte par .
Supprimer.Rembrandt, peut-être...
Oui très probablement Hoffmannsthal. Ne jamais oublier le polyglottisme de Brion, et la culture qui en resulte! MC
RépondreSupprimerMerci
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RépondreSupprimerSV, vous êtes passé à autre chose, mais je ne voulais pas partir sans vous avoir remercié à mon tour ; je vous suis reconnaissante d'avoir cité des extraits de ces textes (cela me paraît vraiment indispensable) — alors même que ma réaction a pu vous donner l'impression d'en être bien mal récompensé !
RépondreSupprimerLe rapprochement des citations a en effet exagéré un effet de concentration assez fâcheux — sans toutefois le créer de toutes pièces puisque l'on retrouvait la même densité excessive, le même recours à un unique procédé, dans des phrases voisines de certains extraits ; je ne renie donc pas, ni ne retire, ce que j'ai écrit. MAIS j'ai pu constater, grâce aux extraits supplémentaires apportés par Christiane (qu'elle en soit remerciée), s'ajoutant à votre première citation de "Les Eaux Mortes" (à laquelle je ne reprochais strictement rien), une plus grande variété de moyens.
e.g.
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SupprimerRevenez bien vite ! SV
RépondreSupprimerChristiane, le rapprochement proposé avec Pessoa me laisse perplexe. Je me demande de quel "rythme" vous parlez ; la seule ressemblance me paraît thématique — nous n'avons pas accès au rythme de la prose originale de Pessoa : aucune garantie qu'il ait pu être conservé dans le passage d'une langue à l'autre. Je ne suis spécialiste ni de Pessoa ni du fantastique, dont je sais bien que les définitions (et les "manifestations" littéraires) peuvent varier, mais je ne vois pas trop le rapport.
RépondreSupprimerL''évocation d'un certain "déchaînement" des forces de la nature fait-elle naître davantage de métaphores sous la plume des auteurs ? A-t-on plus volontiers recours à des comparaisons animales ou anthropomorphiques pour décrire les phénomènes qu'elles provoquent et suggérer les émotions humaines qu'elles déclenchent ? Je ne l'affirmerais pas de façon péremptoire, mais en revanche il ne me paraît pas que ce type d'évocation ou de description implique systématiquement que l'auteur soit "hanté par un imaginaire fantastique", ni qu'il s'agisse du même d'un auteur à l'autre.
Par exemple : le traitement de la tempête dans Un Recteur de l'île de Sein ("Les armées du vent […] défil[a]nt sur l'île", "pouss[a]nt des hurlements", "fouin[a]nt contre les murs") tranche quelque peu, me semble-t-il, sur le style du roman — alors que le même thème est abordé dans la nouvelle/le chapitre "La bourrasque" (Bruno Schulz, Les Boutiques de cannelle) dans une certaine continuité avec le reste de l'œuvre, avec le fantastique qui lui est propre.
e.g.
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Supprimer(commentaire précédent écrit sans avoir lu le vôtre de 00:06. Plus le temps d'y répondre.)
RépondreSupprimere.g.
Ce n'est pas grave.
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RépondreSupprimerPessoa: 1884-1935. Brion; 1895-1984 . Le second est de dix ans plus jeune que le premier, il faudrait voir les traductions que MB a pu faire…
RépondreSupprimerOui...
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SupprimerLa Capitaine. Un long extrait met en valeur cette nouvelle qui a beaucoup de charme. Un enfant, Marcel , pose son regard sur les murs d'une vieille maison.
RépondreSupprimerCet enfant aime la ville, "les pavés ronds de rues montantes", et surtout cette maison, le grand salon aux volets toujours fermés dont les murs sont couverts de toiles, un salon "hautain, presque inaccessible, à force de silence". Une pièce où il aime s'attarder, rêver, surtout devant les marines et ces grands navires.
C'est dans ce texte que j'ai trouvé cette approche des dormeurs.
"Les dormeurs flottaient sur cette marée de nuit, lisse et huileuse, sans avoir conscience de la vie bouillonnante qui grouillait dans les profondeurs. Car les dormeurs demeurent toujours à la surface de la nuit, à moins qu'un grand remous de rêves les noie parmi les algues des abîmes."
L'enfant rêve de haute mer, d'une odeur d'écume et de goudron. Il entend même des bruits, "le crissement d'un cabestan, le tap-tap d'une pipe contre le bastingage"...
Une atmosphère qui évoque les rêveries d'un autre Marcel qui "longtemps s'est couché de bonne heure"...
"Un soir, pourtant, où ses parents "recevaient", l'enfant voulut savoir si le navire disparaîtrait, comme les autres nuits."...
Peut-être la nouvelle que je préfère... L'enfant et les sortilèges... L'écriture en est suave, accordée à l'atmosphère ondoyante de ces rêveries.
Vraiment un très beau livre que je garderai.
Dans cette nouvelle, la mort s'éloigne et tout ce qui fait peur. Ici, tout est en suspens, délicatement lié à cet enfant rêveur...
À la lecture d'un nouvel ouvrage, des rapprochements nous viennent à l'esprit avec les textes que nous connaissons déjà, et ce, indépendamment de la chronologie "réelle" : dans la tête du lecteur, chambre d'échos ou réseau "sauvage", individuel (une toile d'araignée dont le principe de construction, le dessin, ne serait pas inné & invariable, même si ses vibrations nous alertent aussi bien), le seul ordre qui compte est celui de nos lectures (comme lorsque l'on a lu ou relu Mme de Sévigné après les romans de Dostoïevski ...)
RépondreSupprimerPeu importe de rebondir en tous sens entre des époques, des domaines linguistiques &/ou des genres différents puisqu'il s'agit essentiellement de nous, d'un plaisir supplémentaire de lecture, d'une forme de stimulation (& non de traquer des "sources", des influences) : une intertextualité côté lecteur en somme, à fonctionnement interne.
Ce qui n'interdit évidemment pas d'en faire part dans la conversation : je le comprends d'autant mieux que ce genre de chose m'arrive tout le temps ; j'ai d'ailleurs un mot pour ça : je parle de mes "carambolages".
Mais ce qui fait effectivement signe voire événement pour nous, dans notre vie de lecteurs, ou du moins nous "enrichit", nous permet-il d'affirmer quoi que ce soit à propos des textes eux-mêmes, de leur mode de fonctionnement ?
Dire "Ça me rappelle / me fait penser à …", n'escamote pas la part que l'on prend à l'association de plusieurs passages — et n'exclut aucunement que le rapprochement puisse se révéler parfaitement fondé, la ressemblance étroite, "démontrable" et intéressante.
En revanche affirmer une "gémellarité", une parfaite ressemblance, l'affirmer de façon absolue (donc au-delà et en dehors de ses propres impressions), la situer dans le "rythme" de deux textes alors qu'ils appartiennent à des domaines linguistiques différents (et qu'une traduction, aussi excellente soit-elle, est un nouveau texte, distinct de l'original) me paraît bien imprudent.
Surtout pour ensuite justifier la dite "gémellarité" en tout et pour tout par
— un gallicisme, nécessairement absent de la version portugaise puisqu'il s'agit d'une tournure spécifique au français, en l'occurrence sous les deux formes "c'était" et "cela avait été (distinctes sur le plan rythmique)
— et la seule locution adverbiale "d'abord"
Avais-je mal compris ?
C'est la raison pour laquelle je vous avais demandé "QUEL rythme ?", pensant que nous ne pouvions pas parler du même et que vous faisiez peut-être allusion à l'articulation de la description de phénomènes dont les manifestations essentiellement sonores difficilement identifiables et prêtant à confusion sont approchées au moyen d'équivalents — ressemblance et rythme" à rattacher donc aux "objets", aux thèmes des textes, à ce dont on parle, et non au rythme de l'écriture. Mais là non plus, ça ne « colle » pas vraiment, la ressemblance reste vague, les métaphores sont différentes, l’organisation des deux passages n’est pas la même.
e.g.
En complément :
RépondreSupprimerCNRTL Rythme : B. [artefact] 3. [visée esthétique] — PROSODIE. Mouvement, perceptible à l'audition ou à la lecture, qui est donné à une phrase, à un texte entier, qui résulte de l'agencement et de la durée des différents groupes de mots et de la répartition des sonorités et des accents.
52.
RépondreSupprimerO vento levantou-se... Primeiro era como a voz de um vácuo... Um soprar no espaço para dentro de um buraco, uma falta no silêncio do ar. Depois ergueu-se um soluço, um soluço do fundo do mundo, o sentir-se que tremiam vidraças e que era realmente vento. Depois soou mais alto, urro surdo, um chorar sem ser ante o aumentar noturno, um ranger de coisas, um cair de bocados, um átomo de fim do mundo.
Au risque d'écrire de très grosses sottises, il me semble qu'on a :
Le vent s'est levé...
u— uu—
O vento levantou-se
u—u u—uu
C'était d'abord comme la voix d'un espace vide... (4+4+4 ?) (ou 4+4+5 ?)
u— u— —u u— uu— —
ou bien :
u— u— — u— uu— — (4+3+4 ?)
Primeiro era como a voz de um vácuo...
u—u —u —u u— uu—u(u?)
Cela avait été d'abord / une sorte de tumulte confus (8 + 8(?) ?)
u— uu u— u— u— uu u— u—
fichus e muets décidément — quant à la synarèphe en portugais, pas la moindre idée…
e.g.
Mince, synaLèphe !
RépondreSupprimer& les espacements n'ont pas été respectés, j'aurais dû séparer (primeiro : ⎜u—u⎟, etc. ) on n'y comprend plus rien.
e.g.
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RépondreSupprimerEffectivement, en m'efforçant de me montrer "constructive", je vous ai fourni des verges pour me faire battre — et en prime, un brevet d'irresponsabilité (par une sorte de glissement du descriptif au normatif).
RépondreSupprimerJ'apprécie moyennement de me voir reprocher une chose et son contraire (vous me prêtez à la fois l'intention d'en référer à "une vérité indiscutable" et la volonté de vous entraîner dans "un débat sans fin"), ainsi que l'assimilation de toute remarque n'allant pas dans votre sens à un désir de polémique.
Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi : il n'y a aucune raison d'attendre de tout un chacun qu'il s'astreigne à la "surveillance intellectuelle de soi".
e.g.
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SupprimerDésaccord et rage sont ici quelque peu
RépondreSupprimerforcés, je crois. On a d’un côté une démarche analytique, de l’autre une démarche par rapprochements et glisse
ments, privilégiant l’intuition. Non, vous ne pouvez pas vous entendre. Mais ce sont vos deux modes de lecture, opposés, qui créent cette situation. MC
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RépondreSupprimerCe qui est dommage, car je vous aime bien toutes deux…
RépondreSupprimerTiens je ne l'ai pas lu celui-ci. Je ne l'ai même pas. Va me falloir le trouver.
RépondreSupprimerBelle illustration. Comme toujours.
Dommage que la collection (que j'adore) ne tiennent pas les ans sans protection contre les moisissures, les chocs, l'humidité ... etc
Convergence des Parallèles, ça fait partie de son charme…
RépondreSupprimer"Dommage que la collection (que j'adore) ne tiennent pas les ans sans protection contre les moisissures, les chocs, l'humidité ... etc"
RépondreSupprimerMalgré mes efforts rien à faire contre le jaunissement des pages. Moins bien loti que Sandrine, j'en stocke quelques centaines dans des malles dans un local sec. Emballage dans du papier alimentaire puis surcouche de papier bulle. Folie, folie
Je crois que mon exemplaire de Billenium n’a pas bougé depuis les années où je l’ai acheté. Honnête usure!
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RépondreSupprimerCela dit, les. Marabouts méritent d’être préservés. Même si parfois la couverture est plus fantastique que le contenu: Owen, Seignolle, en sont de bons exemples…
RépondreSupprimerJ'aime bien Owen. Par petits bouts. De temps à autre. Cà tombe bien: les textes sont courts. Dommage que les fins soient très souvent en queues de poisson, sans véritable substance et laissent sur la faim
SupprimerJoli : « les Marabouts méritent d’être préservés ! »
RépondreSupprimerMDR. Volontaire ou pas ?
SupprimerPour Christiane. Brion et son tapis: il doit s’agir de « la Ville de Sable « , naguère citée chez PE .) A ce propos, impossible d’y poster quoi que ce soit!)
RépondreSupprimerJe me souviens de "Une ville de sable" de Marcel Brion, de cet archéologue marchant dans les ruines enfouies sous le sable. Une ville surgit mystérieusement des sables, puis des de personnages étranges...
SupprimerQuand Paul Edel a-t-il évoqué ce roman , cette image ?
Les sables dans ces textes.. La mer...
.. Quant au "tapis volant"... une traversée du temps ?
Vraiment, je ne retrouve pas un texte qui m'evoquerait cela
Merci d'avoir cherché.
C’est moi qui ai. cite le roman sur le blog de PE, en l’accompagnant d’extraits. Pas lui.Quoiqu’il ait aussi un léger penchant pour le fantastique. Et à l’époque, vous aviez aimé ces passages. MC
RépondreSupprimerQuel dommage que vous ne retrouviez pas le billet et les commentaires. En 2023 il cite Brion mais c'est à propos de Doderer. Brion était fasciné par les romantiques allemands. N'avez-vous pas au moins l'année, le titre du billet ?
RépondreSupprimerOh , ce doit être, je le crains, dans les billets disparus ! Ça date tout de même un peu..,
RépondreSupprimerC'est bien dommage. Alors comment est venue cette histoire de tapis volant ? Qu'écriviez-vous ? Qu'est-ce que je vous répondais ?
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